Scandale du chlordécone : cancer de la prostate reconnu comme “maladie professionnelle” aux antilles françaises. Une petite avancée !

Le 22 décembre dernier, par décret du Ministre de l’agriculture, dans le cadre du Plan Chlordécone 4, le gouvernement a validé l’avis pris en mars 2021 par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) reconnaissant que l’usage de la chlordécone est en lien avec le cancer de la prostate et implique une reconnaissance au titre des maladies professionnelles.

En effet, la crise qui sévit aux Antilles depuis juillet dernier contre l’obligation vaccinale et le pass sanitaire a remis sur le devant de la scène la question très sensible du chlordécone.   

Largement utilisé de 1972 à 1993, ce pesticide toxique a provoqué sur les exploitations agricoles la contamination de nombreuses personnes.Très persistant en milieu naturel, il empoisonne encore aujourd’hui une large majorité de la population et restera dans les sols, les eaux, la faune et de la flore pour encore 700 ans au moins.

Pesticide organochloré très agressif le chlordécone, déjà interdit en 1972 aux Etats-Unis pour ses effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine, a été interdit en Hexagone en 1990 mais autorisé par l’Etat Français jusqu’en 1993 dans les bananeraies antillaises, et utilisé de façon quotidienne et sans protection par les ouvriers agricoles. Parmi ces travailleurs exposés : la main d’œuvre familiale (dont 30% de femmes) et salariée des bananeraies, mais également les travailleurs en charge des préparations commerciales (achat, stockage), ceux qui effectuaient le remplissage des pulvérisateurs, etc.

La dangerosité de certains produits phytopharmaceutiques ayant fait l’objet de nombreuses études, le chlordécone est désormais reconnu responsable de l’augmentation des cas de cancers de la prostate, du pancréas, du foie et des poumons. On en connaît aussi l’impact sur la reproduction et le système endocrinien.

Si ce décret est le bienvenu, il est vu comme une avancée, certes, mais largement insatisfaisante pour les acteurs locaux. Et pour cause : après une bataille juridique de près de 15 ans, menée notamment par Harry Durimel, actuel Maire écologiste de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, pour faire reconnaître les préjudices liés au chlordécone, le décret n’apporte que peu de solutions.

En effet, seuls les hommes atteints du cancer de la prostate demeurent potentiellement éligibles au fonds d’indemnisation, alors que d’autres pathologies liées au chlordécone peuvent, elles aussi, être reconnues. Malgré une surexposition répétée à ce pesticide, les femmes (commerciales et ouvrières agricoles) et les enfants sont les grands oubliés de ce décret . Contaminée à 90%, le reste de la population en est elle aussi exclue.

Une étape a été  franchie dans ce dossier. Mais son histoire reste celle d’une succession de  violences institutionnelles, et l’avancée obtenue laisse, injustement, de côté nombre de personnes touchées par les autres pathologies. Dans un souci d’équité, les écologistes demandent au gouvernement de reconnaître l’ensemble des victimes, compte tenu du scandale sanitaire, social et environnemental dont l’Etat s’est rendu coupable.

Il n’est pas inutile de rappeler, enfin, que l’utilisation des pesticides en Guadeloupe, dans les exploitations et à domicile, reste encore importante, exposant la population aux effets nocifs des interactions entre molécules.

Eva Sas, porte-parole

La Commission Outre-mer d’EELV