Seul le prononcé fait foi

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Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,

Aucun discours, aucun mot ne parviendront, dans un premier temps, à dire notre incommensurable émotion, notre infini chagrin, pour toutes les victimes, leurs familles, leurs proches, leurs amis. Nous songeons aussi à ces blessés qui se battent pour leur survie. Nous songeons à toutes celles et ceux qui ont été traumatisés par ces heures effroyables.
Qu’ils soient assurés de notre solidarité indéfectible.

Que soient remerciés toutes celles et ceux soignants, aidants, médecins, personnels de secours, pompiers, policiers et aussi les militaires qui se sont mobilisés pour de prompts secours, dans des conditions épouvantables, et tous les citoyens qui se sont mobilisés et ont fait preuve de solidarité.
Les pouvoirs publics ont été à la hauteur de la situation. Totalement.

Trois jours de deuil sont proclamés face à l’innommable, à ce que certains redoutaient mais que personne n’a pu prévoir ou déjouer. Saluons aussi ceux qui ont permis une évacuation sécurisée du stade de France évitant de rajouter des bousculades aux drames en cours. Il y a eu du sang froid et beaucoup de maîtrise face à ces six terribles tueries.

Deux décrets furent pris immédiatement pour mettre en place l’état d’urgence pour faire face à une situation inédite. Beaucoup de nos concitoyens n’ont jamais vécu une telle violence sur notre territoire. Ils sont, à juste titre, inquiets de la situation.

Le droit à la sécurité et à la sûreté dans un État de droit est un exercice préalable à l’exercice de toutes les autres libertés auxquelles nous tenons tant.

Des évènements d’une telle ampleur et gravité appellent selon nous à une unité nationale de deuil, de respect face aux défunts. De terribles semaines d’obsèques vont se succéder. Quelle prise en charge pour aider et soulager les familles ? Ceci n’est pas une question secondaire.

Dans un premier temps il ne faut pas sur-jouer nos différences de sensibilité, nos concitoyens ne le comprendraient pas. Ils attendent de nous de la responsabilité, de la dignité et de l’action concertée et le rappel de nos valeurs de démocratie, de débat et d’échange.

Malheureusement cette forme de guerre avec des méthodes innommables se pose à une échelle mondiale et fait suite à des décennies de géopolitique parfois incohérente et dont les conséquences n’ont pas toutes été, pour rien, dans ces catastrophes.

Il faut donc aussi une réponse au plan national, bien sûr, mais également au plan européen avec le renforcement des moyens d’Europol, d’Eurojust et la coopération entre les polices européennes. Au plan international, nous devons agir sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies.
Que n’avons-nous parfois soutenu des pays assez peu démocratiques, vendu des armes à des pays qui en font maintenant l’usage que nous savons contre nous. Il y a aussi des pétro monarchies au jeu ambigu sur lequel nous devrons avoir une introspection critique. Quelles suites de ce qui s’est passé en 2003 en Irak ? Quels effets des actions en Libye en 2009 ? Il y a les conflits au loin (au Moyen Orient par exemple) qui peuvent aussi avoir un impact indéniable sur le ressenti de nos concitoyens qui peuvent ne pas comprendre cette perception à géométrie variable des droits humains.

Nous avons à faire à des procédés de « SUPERTERREUR » qui mêlent visiblement des agissants venus de loin et d’autres qui sont européens. Tout doit être fait pour mener une véritable politique européenne énergique d’aide et de prévention sans laquelle il ne sera pas possible de trouver une solution pérenne.
Dénoncer, en évitant les généralisations abusives, et la stigmatisation d’une partie de nos concitoyens est une ligne ardue qu’il faut tenir.

Ceux qui ont frappé vendredi veulent supprimer notre art de vivre, la culture, la musique, les cafés où chacune et chacun peut se rendre, en toute LIBERTE. Les solutions à cette grave crise ne peuvent passer au plan intérieur par des mesures durablement déraisonnables et liberticides. Même si nous approuvons l’état d’urgence.

Il y a des juges compétents et opérationnels qui sont écartés au motif de logiques de rotation des postes. Mais dans une telle situation il convient de renforcer les moyens humains et matériels des enquêteurs et peut-être revenir sur des textes qui bloqueraient la bonne marche des enquêtes par la continuité du travail.

L’état d’urgence nous place déjà dans une situation qui permet des restrictions de circulation et des actions très importantes et des perquisitions administratives jour et nuit pour faire avancer vite l’enquête. La récupération possible des armes (d’ailleurs nous demandons un fichier obligatoire des armes détenues ET de collection).

Depuis 5 ans ont été votées de très nombreuses lois sur la sécurité et le renseignement. Tous les décrets ne sont d’ailleurs pas pris. Pour autant nous pensons que la solution vient dans les MOYENS, moyens aux juges, aux policiers, aux gendarmes, aux militaires, aux services de renseignement, à ceux qui assurent notre sécurité et pas dans une nouvelle avalanche de textes qui, s’ils augmentent les fichages, ne permettent pas de faire face à ces modes opératoires totalement nouveaux.

Il faut aussi sans amalgame ni raccourci être capable de ne tolérer en aucun cas sur notre territoire des imams ultra radicaux qui propagent des discours de haines et des appels aux meurtres.

Il faut lutter contre les criminels qui viennent d’ailleurs mais aussi voir la question de ceux qui basculent ici via internet et partent vers de funestes expéditions. Il n’est pas possible en démocratie d’arrêter des personnes juste parce qu’elles sont sur un fichier avec une inscription administrative. Mais la lutte contre ces assassins est une priorité absolue. Deux rapports parlementaires ont travaillé, proposé des pistes (même si toutes ne suscitent pas notre enthousiasme) il faut un travail conjoint de toute la représentation nationale avec l’exécutif pour soutenir une résistance sans faille face à cette barbarie.
C’est le Paris jeune, progressiste, multi-culturel qui a été frappé. Avec ces attaques, les terroristes nous disent leur haine du vivre ensemble, du plaisir, du dialogue, de la jeunesse, de la culture, de l’éducation et de la musique. Raison de plus pour rester attentifs à ces lieux et à ces pratiques qui rassemblent, épanouissent et émancipent.

Nous devons rester unis face au deuil mais tout mettre en œuvre pour que les commanditaires et leurs complices ne puissent agir à nouveau. Plus que jamais restons attachés à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous allons nous relever de cet effroyable massacre. Ne pas renoncer à la COP 21, être capable d’organiser des élections, de voter. Et se rappeler qu’au-delà de la réponse sécuritaire, la solution se trouve aussi dans l’éducation.

Nous n’oublierons jamais tous ceux qui étaient au Bataclan et dans Paris et à Saint-Denis vendredi.
La barbarie de ces actes sanguinaires résonne avec l’effroi que nous voyons dans les yeux des Syriens qui cherchent refuge en Europe. Parce que la Nation peut être attaquée, des mesures d’urgence ont été prévues par la Constitution et nos lois. Leur force est leur caractère provisoire et exceptionnel. Leur efficacité est leur référence à nos principes : combattre ceux qui veulent tuer nos libertés en rognant sur nos libertés, c’est leur donner raison.

Les considérations religieuses ou culturelles sont de fausses pistes, sur lesquelles veulent nous entraîner les fomenteurs de guerre civile : c’est l’intégrisme, et la barbarie qui lui est associée, que nous combattons.

Nous surmonterons ensemble cette cruelle épreuve, nous resterons debout, dans un combat long et difficile. L’enjeu est immense. Il tient en trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité.

Corinne Bouchoux, co-présidente du groupe écologiste au Sénat