Présentation :

Andras Schiffer a 44 ans, est juriste, a été l’un des co-fondateurs de LMP un nouveau parti issu de mouvements de la société civile en 2008. Il a été tête de liste de LMP pour les législatives de  2010, élu député  et président du groupe parlementaire (alors fort de 16 députés). Il a été réélu député en 2014 et est aujourd’hui également co-président de LMP avec Bernadett Szel (également députée).

LMP (Lehet Mas Politika = « la politique peut être différente ») a été  créé en  2008 sur la base d’organisations de la société civile agissant sur diverses thématiques, dont la principale était l’écologie. Il a connu des débuts électoraux encourageants en obtenant, après une campagne dynamique et enthousiaste, un score  de 2,61 % aux européennes de 2009 mais n’a pas eu d’élu, le seuil d’éligibilité étant de 5 %. Dès l’année suivante, en 2010, LMP a obtenu 7,48 % des voix et 16 députés et en a conservé 5 (avec une moyenne nationale de 5,26 %) en 2014 malgré les redécoupages et la réduction du nombre de députés (de 386 à 199 !) par Victor Orban, malgré aussi une scission en son sein intervenue en 2013.

En janvier 2013 en effet, alors que 90 % de ses membres avaient voté au Congrès de LMP pour la poursuite d’une action d’opposition à Viktor Orban et d’une participation aux élections en tant que parti écologiste autonome, LMP vu le départ de la majorité de ses cadres, dont 8 des 16 députés (conduits par Benedek Javor et Timea Szabo). Ceux-ci considéraient en effet qu’il était dangereux de se présenter de façon autonome aux législatives d’avril 2014, que la priorité était de « dégager » Viktor Orban pour permettre une Hongrie démocratique, sociale et écologique et que la seule possibilité pour cela était de s’allier avec la coalition d’opposition (ultérieurement devenue parti) Together 2014, qui avait été fondée fin 2012 par l’ex-Premier Ministre socialiste (de 2009 à 2010) Gordon Bajnai. Battus au Congrès de LMP , ils ont quitté le parti et créé dès mars 2013 un nouveau parti, Dialogue for Hungary (PM )) qui a fait alliance et s’est présenté aux législatives de 2014 avec Together 2014, elle-même membre d’une coalition de 5 partis d’opposition inttulée « Unity Alliance ». Mauvais calcul : en 2014, Orban a été réélu facilement, notamment grâce à ses tripatouillages électoraux, le parti d’extrême droite Jobbik a continué de grimper, « Unity Alliance » n’a obtenu que 25 % des voix et 39 députés parmi lesquels « Together 2014 » n’en a obtenu que 4 (dont un seul pour la dissidence de LMP « Dialogue for Hungary ») et, en mai 2014, un député européen (Benedek Javor, membre du groupe des Verts/ALE au PE et membre de « Dialogue for Hungary »).

LMP qui, sous la conduite d’Andras Schiffer et de Bernadett Szel, avait  pris le risque de se présenter en autonome a pour sa part réussi son pari : en dépassant légèrement (5,26 %) le seuil d’éligibilité de 5 % il a obtenu 5 députés nationaux début 2014 (Andras Schiffer, Erzsébet Schmuck, Bernadett Szél, István Ikotity and Sallai R. Benedek) puis, en mai 2014, un député européen (Tamas Meszerics, membre lui aussi du groupe Verts/ALE au PE).

Pour être complet, il y a aussi en Hongrie un troisième petit parti écologiste « Zold Baloltal ». Il existe depuis 1990 sous différentes appellations (« Zold Demokratak» jusqu’en 2008) mais s’est jamais développé, n’a eu que des scores microscopiques quand il ne se présentait pas avec l’ex-parti communiste (Magyar Szocialista Part, MSzP), au point que le Parti Vert Européen avait déposé pour son prochain Conseil de Lyon (13/15 novembre 2015) une résolution proposant son exclusion du PVE. Zold Baloldal vient de prendre les devants en annonçant son retrait du PVE.

Discussion :

Andrea Schiffer exprime sa satisfaction de cette première rencontre bilatérale entre EELV et LMP qui a plus de contacts, du fait de la proximité, avec les Verts allemands, autrichiens et d’Europe centrale. Il est à Paris dans le cadre d’une délégation officielle de trois parlementaires hongrois, dont le président de l’Assemblée nationale, et ils doivent notamment rencontrer Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale et Gérard Larcher, président du Sénat.

Il brosse le tableau de la situation politique hongroise, il dépeint Viktor Orban comme un adversaire politique redoutable, doté d’un bon sens « provincial » et d’un flair politique qui l’aident à se maintenir au pouvoir avec son clan (largement atteint par des scandales financiers) d’autant plus facilement que l’opposition principale (les ex-communistes recyclés « socialistes » qu’il qualifie de « post-communistes ») est discréditée pour avoir pratiqué quand elle était au pouvoir des politiques néo-libérales. Il rappelle l’histoire de LMP, précise que son parti est celui qui jouit de la plus faible cote d’impopularité, que 2014 a été l’année de sa « survie » et qu’il ambitionne d’atteindre 10 % aux prochaines élections, un seuil psychologique qui assoirait la crédibilité de LMP. Il précise que la Hongrie a eu un président « écologiste » de 2005 à 2010, Laszlo Solyo, qui avait appartenu à des groupes de protection de l’environnement dès les années 1980, s’opposant notamment à un grand barrage sur le Danube. Il pense toutefois que s’il y a une conscience environnementale assez élevée en Hongrie comme en Pologne ou d’autres pays de l’ex-bloc de l’Est, il est impossible de la traduire en succès électoraux pour un mouvement qui serait essentiellement fondé sur cette thématique.

Andrea Schiffer explique qu’en Hongrie, le débat politique aujourd’hui est presque uniquement consacré à la crise migratoire, qu’il est presque impossible de se faire entendre sur d’autres thèmes et que Viktor Orban en profite car même des opposants l’approuvent sur sa ligne de fermeture envers les réfugiés et migrants. Andrea Schiffer juge que c’est vague d’immigration massive sans précédent, que la Hongrie n’avait effectivement pas les moyens d’accueillir les 400 000 réfugiés à ses portes, et indique qu’il a eu un désaccord récemment avec Claudia Roth, dirigeante historique des Verts allemands qui soutient une politique d’accueil qu’il juge trop large voire dangereuse, d’autant plus qu’il estime que seuls 30 % des migrants sont des réfugiés syriens. Il juge qu’il faut traiter à la source les crises armées, de mal-développement, climatiques, qui génèrent la vague migratoire. Zine-Eddine Mjati lui répond que si les problèmes devraient effectivement être traités à la base, si les traités de Dublin 1 et 2 devraient être abolis pour permettre une répartition équitable des réfugiés dans toute l’Union Européenne sans les bloquer dans ses pays frontières, il y a une crise humanitaire grave qui exige des mesures d’accueil immédiates respectueuses des Conventions de Genève. Il précise que le Conseil Fédéral d’EELV vient d’adopter une résolution sur le sujet qui sera présentée comme motion d’urgence au Conseil du PVE de Lyon en novembre et qu’il espère que LMP contribuera à son adoption.

Andras Schiffer indique qu’il doit rencontrer le lendemain le Front de Gauche et demande l’appréciation d’EELV sur celui-ci et sur les récents départs de membres influents d’EELV. Zine-Eddine Mjati lui répond que le Front de Gauche est composé de trois entités, le PCF, le Parti de Gauche et d’Ensemble, que nous pouvons avoir des affinités qui justifient l ‘alliance avec des parties du Front de Gauche, notamment aux régionales de décembre, mais que nous avons aussi des divergences notamment sur le productivisme avec le PCF ou l’Europe avec le PG. Il insiste qu’il n’y a pas eu de scission d’EELV, mais des départs individuels de cadres du mouvement en désaccord avec sa ligne politique. « La même chose que chez nous » répond Andras Schiffer.

La conversation a également porté sur l’émergence de Syriza en Grèce et de Podemos ern Espagne, deux expériences jugées favorablement mais difficilement transposables car liées au passé franquiste et de junte militaire qu’ont subi ces deux pays et sur la situation internationale. Andras Schiffer a estimé que le défi du 21ème siècle est l’affrontement entre deux projets antagoniques : un populisme promouvant le repli sur soi et le libéralisme économique, et un mouvement altermondialiste porteur de développement durable, de justice sociale, de démocratie renforcé.. Concernant l’Euro, Andras Schiffer a jugé que son cours conçu avait été conçu comme « bon marché » pour l’Allemagne mais trop élevé pour les pays comme la Grèce, qu’il bénéficie aux grandes entreprises allemandes, françaises ou hollandaises, et qu’il est fait « pour le profit, pas pour les peuples » .

En conclusion Andras Schiffer et la délégation d’EELV se sont promis de poursuivre le le dialogue entre les deux partis.

Compte rendu de Constantin Fedorovsky

Légende de la photo : de gauche à droite : Jean Desessard (sénateur et trésorier national d’EELV), Emma Cosse (secrétaire nationale), Andras Schiffer (co-président et député du Parti Vert hongrois (LMP), Zine-Eddine Mjati (délégué à l’Interenational), Constantin Fedorovsky (assistant aux relations internationales), Philippe Stanisière (initiateur de la rencontre). Manque Magali Deval (déléguée au Parti Vert européen) qui a participé à la rencontre du 19 octobre 2015.