Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 11 et 12 juillet 2020

Exposé des motifs

L’importance des mobilisations du mois de juin contre les violences policières sous toutes leurs formes traduit une véritable crise des relations entre la police et la population. L’expression “violences policières” est largement utilisée sans être clairement définie et recouvre des réalités très différentes : violences volontaires ou involontaires, physiques ou verbales, refus de prise de plainte notamment dans les affaires de violences conjugales, etc. L’accumulation d’affaires et les réponses insuffisantes apportées, tant par l’institution policière que par l’institution judiciaire et – plus largement par le pouvoir politique – est à l’origine d’un malaise profond qui appelle des mesures courageuses pour renouveler le service public de la police. Le sentiment d’insécurité des personnes face aux forces de l’ordre en France, en particulier dans les quartiers populaires, est un vrai problème pour la cohésion sociale. La population a au contraire besoin d’un service public de la police qui protège. 

Nous, écologistes, affirmons que les affaires de violences policières ne sont pas le fait d’individus isolés : elles ont un caractère systémique et appellent un véritable débat démocratique, impliquant l’ensemble des parties prenantes, sur la rénovation du service public de la police, la lutte contre les violences et contre les pratiques discriminatoires. Au-delà, nous nous inquiétons de la montée d’idéologies racistes et d’extrême droite au sein des forces de police, qui portent atteinte au principe de neutralité du service public. Les violences doivent être traitées pour mieux garantir l’effectivité d’un droit à la sécurité et à la sûreté, en assurant une mission de service public pour tou·te·s, partout. L’assemblée générale des Nations Unies (AGNU) pose quatre grands principes de toute action de maintien de l’ordre : légitimité, nécessité, proportionnalité et précaution. Que faire quand le monopole de la violence physique n’est plus celui d’une violence légitime ? 

État des lieux des violences policières

Des interventions discriminatoires dans les quartiers populaires

Les quartiers populaires font l’objet de pratiques particulièrement problématiques en matière d’intervention policière. On y déplore à la fois des interventions brutales et discriminatoires et, dans le même temps, un déficit d’effectifs que les fusions de commissariats risquent d’aggraver créant un sentiment d’insécurité auprès de la population (difficulté à porter plainte, réduction des moyens des commissariats de circonscription, etc.) et dégradant les conditions de travail des forces de l’ordre (avec parfois des arbitrages complexes entre prise de plainte ou mission de police secours). Pour ce qui est des contrôles d’identité, nombres sont perçus comme répétés et abusifs et motivés par un ciblage discriminatoire plutôt que par de réels fondements de sécurité. 

L’escalade des usages de la force en manifestation et dans la police du quotidien

Les doctrines d’usage de la force doivent être revues et la désescalade primer plutôt que l’inflation d’armes “non létales” mais dangereuses, à la fois dans les manifestations et événements collectifs « la police doit changer d’approche face aux manifestant·e·s, au regard des expériences étrangères il faut revenir à des pratiques d’intervention qui tendent à la désescalade » mais aussi dans les interpellations individuelles. La réduction drastique des effectifs de police et de gendarmerie a eu pour conséquence qu’aujourd’hui, les manifestations ne sont plus encadrées par des forces de l’ordre spécialisées : c’est toute la doctrine traditionnelle d’évitement entre la police et les manifestant·e·s qui est remise en cause et cela crée plus de violences. Flashball, LBD40, grenade de désencerclement, etc. Les forces de l’ordre françaises sont parmi les plus armées d’Europe. Toutefois, l’efficacité des armes à disposition en matière de maintien de l’ordre et d’effectivité du droit à la sécurité est loin d’être corrélée à leur dangerosité. Enfin, l’échec de la police de sécurité du quotidien (PSQ) est liée à un défaut de moyen et une formation inchangée. Par ailleurs, des agent·e·s des forces de l’ordre inexpérimenté·e·s sont affecté·e·s dans les territoires où les inégalités sont les plus importantes. De même, la politique du chiffre et la répression sont favorisées au détriment de la prévention. 

Une situation d’impunité

Les violences policières ne sont pas un fait nouveau mais elles sont désormais mieux documentées et font l’objet de davantage de saisines. Le rapport 2019 de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) indique une augmentation de 41 % des saisines pour « violences volontaires » en un an. Pourtant, le Défenseur des Droits indique que – depuis le début de son mandat – sur les 36 demandes de poursuites disciplinaires touchant la Police Nationale, « aucune n’a été suivie d’effet » : la matérialité d’usages disproportionnés de la force n’est plus à démontrer, leur traitement fait défaut. La violence supplémentaire générée par l’absence de réponse judiciaire ou disciplinaire est source d’une forte défiance vis-à-vis de l’Institution. Sa légitimité repose sur l’exemplarité. Une plus grande transparence des procédures est nécessaire. 

La sécurité, ça n’est pas que « surveiller et punir » : à nous écologistes, à l’heure où nous devenons l’alternative crédible, de défendre ce droit à la sécurité et à la sûreté et de créer les conditions pour restaurer la confiance, élément primordial de toute politique de sécurité. 

Motion

Aussi le Conseil Fédéral d’Europe Écologie-Les Verts (EÉLV) appelle à :

  • un débat démocratique au format d’une conférence citoyenne de consensus autour de la problématique du maintien de l’ordre dans les quartiers populaires, du traitement des personnes racisé·e·s ;
  • la création d’espaces de dialogue plus pérennes réunissant toutes les parties (habitant·e·s, policier·e·s, travailleur·se·s sociaux·ales, associations) pour améliorer relations police-population, apaiser les tensions, renouveler les politiques de sécurité et de tranquillité publique et imaginer des modes de résolution des problèmes allant au-delà des seules réponses répressives ; 
  • en particulier, ouvrir, dans ce cadre, un débat sur les contrôles d’identité et leurs effets afin d’évaluer leur efficacité et de garantir leur encadrement ainsi que leur usage non discriminatoire ; cela peut passer par des instruments tels que les récepissés de contrôle d’identité (permettant à toute personne contrôlée d’obtenir une trace du contrôle dont elle a fait l’objet indiquant l’heure, le lieu et le motif du contrôle) ou bien encore les caméras embarquées qui doivent être activées lorsqu’elles existent ;
  • suite aux récentes révélations de contenus racistes, sexistes et appelant à la haine dans des groupes d’échange privés entre agents qui alertent sur la gravité d’une dérive idéologique, gangrène certains services, dégradent les conditions de travail des agents et mettent en péril la mission de protection de la population assignée aux forces de l’ordre, à un respect du principe de neutralité du service public qui doit s’appliquer effectivement à celui des forces de l’ordre, ce qui implique l’interdiction des insignes à caractère politique sur les uniformes des agents et dans les locaux des forces de l’ordre, ainsi que des sanctions disciplinaires effectives ;
  • la protection des lanceur·e·s d’alerte, y compris au sein des forces de l’ordre, qui ne doivent pas être réduit·e·s au silence par une forme d’omerta ou à la confiscation de la parole policière par certains syndicats ; 
  • l’écoute et au soutien pour les policier·e·s, à un investissement dans les services publics de la sécurité, notamment afin d’améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre et avec un plan sur la souffrance au travail ;
  • une réforme de la formation initiale et continue, notamment juridique, pour y intégrer un volet prévention/médiation, ainsi qu’une sensibilisation au sexisme et à toute discrimination, avec une vigilance particulière sur les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) ;
  • une réflexion sur l’affectation et l’encadrement des fonctionnaires en sortie d’école afin qu’il·elle·s ne soient pas systématiquement envoyé·e·s dans les territoires où les inégalités sont les plus importantes ;
  • la suppression de l’IGPN et de l’IGGN (organes de contrôle de la police et de la gendarmerie respectivement) et leur fusion en un organisme unique, indépendant du pouvoir exécutif ;
  • plutôt que le « solutionnisme technologique » coûteux et inefficace de l’armement et de la vidéosurveillance, un rétablissement d’effectifs de terrain formés à la médiation, à la prévention, sensibilisés aux discriminations et à l’égalité femmes-hommes, pour contribuer à l’apaisement des relations entre gardiens de la paix et citoyen·ne·s, à la reconstruction du lien de confiance et à la réponse aux besoins de proximité ;
  • sortir de la politique du chiffre pour mettre l’accent sur la qualité du service plutôt que sur la quantité d’affaires élucidées ;
  • plus globalement, adapter la doctrine de maintien de l’ordre à la protection et au service des populations, notamment en y appliquant les principes de non-violence, de désescalade, légitimité, nécessité, proportionnalité et précaution.

Unanimité moins 3 blancs.



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