Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 21 et 22 novembre 2020

Exposé des motifs

Selon une étude réalisée par Amnesty International, 9 millions de femmes de plus de 15 ans ont été violées dans l’Union européenne, soit 1 femme sur 20, tandis qu’1 femme sur 10 de plus de 15 ans a été sexuellement agressée.

En France, selon l’observatoire national des violences faites aux femmes, on recense 94000 viols par an, dont environ 90% de femmes parmi les victimes, tandis que dans 91% des cas, l’agresseur est connu, qu’il soit le conjoint ou l’ex-conjoint (47%) ou une autre personne connue (44%).

L’enquête réalisée par le collectif #NousToutes sur le consentement révèle également des chiffres alarmants : 1 femme sur 6 y ayant répondu déclare avoir eu un rapport sexuel non consenti lors de son premier rapport sexuel et plus de la moitié des répondantes déclarent avoir déjà eu des rapports sexuels avec pénétration non consentis.

Les chiffres des condamnations sont quant à eux inversement effrayants. En France, ces affaires sont la plupart du temps jugées en correctionnelle et environ 1% des viols aboutissent à une condamnation pénale. Soit 99% de cas où les violeurs poursuivent leurs vies sans être inquiétés et les victimes sans être reconnues ni protégées.

Cette situation est intolérable. Elle n’est pourtant pas une fatalité.

Si le chiffre dramatiquement bas des condamnations s’explique par une multitude de facteurs, mauvaise formation de la police, sous-effectif dans la police et dans les services du ministère de la Justice, manque de moyens, notamment pour l’accueil et l’évaluation des faits lors des dépôts de plainte, l’un d’entre eux réside dans la définition du viol établie dans notre code pénal. 

En France en effet, un viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».

Cette définition dépassée, qui se rapproche hélas de définitions en place dans d’autres pays européens et qui impose d’être en mesure d’apporter des preuves tangibles de violence, contrainte, menace ou surprise ignore que l’absence de consentement de la victime doit être au cœur de la qualification du viol et permet de facto que des rapports sexuels non consentis ne puissent être criminalisés et sanctionnés.

Elle fait également fi d’une réalité pourtant largement connue : la sidération qui s’empare de la victime et l’empêche littéralement de résister en cas d’agression sexuelle et la dissociation traumatique qui en résulte. Il s’agit là de réactions physiologiques et psychologiques pourtant largement documentées. Elle contribue également, en excluant la notion de consentement, au maintien de la culture du viol dans notre pays, nourrissant l’idée selon laquelle il est de la responsabilité des victimes de se protéger du viol.

Elle est enfin en violation claire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la Convention d’Istanbul), que la France a ratifiée et qui oblige ses signataires à définir le viol comme un rapport sexuel non consenti et plus largement à criminaliser tous les actes à caractère sexuel non consentis. 

Parmi les 34 pays européens qui ont ratifié la Convention, quelques-uns ont déjà mis à jour leur code pénal, Suède en tête, afin d’établir qu’un rapport sexuel non consenti est un viol. 

Bien qu’Emmanuel Macron prétende faire de la lutte contre les violences faites aux femmes « la grande cause du quinquennat », la France demeure à la traine.

Motion

Parce qu’il est grand temps de mettre un terme à la culture du viol et de faire évoluer nos lois afin qu’elles puissent, plutôt que de la freiner, participer activement à l’éradication des violences fondées sur le genre, le Conseil fédéral :

Demande au gouvernement de respecter ses engagements internationaux et d’appliquer à ce titre pleinement la Convention d’Istanbul et en particulier son article 36 ;

Appelle à ce titre à une modification du code pénal afin d’adopter une définition du viol basée sur l’absence de consentement : serait considéré comme viol tout acte de pénétration sexuelle vaginale, anale ou orale commis sur une personne n’ayant pas exprimé un consentement libre et éclairé ; 

– Demande à ce que cette définition protège les enfants et les mineur-e-s, notamment en considérant que le consentement est présumé non existant dans les cas de rapports sexuels entre majeur-e-s et mineur-e-s sexuel-le-s (moins de 15 ans) ;

– Soutient une évolution du corpus juridique qui tienne compte de la situation particulière de certaines personnes en situation de handicap en ce qui concerne la capacité à établir le consentement libre et éclairé ;

Demande au gouvernement français de soutenir l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul et de porter au niveau européen l’adoption d’une directive sur les violences fondées sur le genre ;

Demande plus largement au gouvernement de mettre en œuvre un véritable plan de formation des professionnels de santé, de la justice, de la police, de la gendarmerie pour accueillir et prendre en charge les victimes de violences sexistes et sexuelles, d’assurer le fonctionnement d’assez de centres d’hébergement dédiés aux victimes de violences et d’allouer à ces actions le budget nécessaire ;

Demande, afin d’avoir accès à des chiffres fiables et comparables, la production de données d’enquêtes scientifiques sur les rapports sexuels non consentis coordonnée au niveau européen ;

Demande au gouvernement de prévoir effectivement les moyens de l’application de la loi de 2001 sur les 3 séances annuelles de vie affective et sexuelle afin de favoriser l’appropriation de la notion de consentement par toutes et tous.

Pour : 111 ; blanc : 1



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