Exposé des motifs

L’extractivisme : l’Humanité comme maître et ravageuse de la nature

70 milliards de tonnes de « ressources naturelles » sont extraites chaque année pour alimenter les « chaînes de production et de consommation de marchandises” (Extractivisme, Anna Bednik, 2019)

L’extractivisme est l’exploitation industrielle massive des ressources de la nature ou de la biosphère, qui ne se renouvellent pas ou peu, lentement, ou très difficilement. L’extractivisme est le plus souvent rattaché à l’exploitation des sources d’énergie (pétrole, gaz, charbon, uranium, bois-énergie), de matières, matériaux et minéraux (lithium, or, phosphates, terres rares, diamant, cuivre, sable…) ou d’organismes vivants (plantes, animaux, pêches industrielles). Il est également utilisé dans le cadre d’une agro-industrie à méga-échelle (huile de palmiers, sylviculture papetière, soja et maïs transgéniques, …).

Que ce soit en France ou à l’international, l’extractivisme entre régulièrement en conflit avec la liberté et les droits des populations locales à vivre librement sur les territoires qu’elles habitent, avec la préservation de la biodiversité et des communs, entraînant des conséquences sur l’effondrement de la biodiversité, les zoonoses, le dérèglement climatique et les pollutions industrielles de zones naturelles que l’on ne connaît que trop bien. 

Dépendance au gaz russe, à l’uranium du Niger et du Kazakhstan, au cobalt et au coltan de la RD Congo et au pétrole des pays du Golfe Persique, exploitation imminente du lithium du sous-sol français évoquée par la ministre de la transition écologique Barbara Pompili, ravages de la déforestation en Amazonie, … l’actualité est saturée en permanence d’alertes sur notre impact sur les ressources de notre planète. D’autres continents pour d’autres matériaux sont tout autant concernés comme le cuivre au Chili, actuellement irremplaçable. Naomi Klein, Maxime Combes… des chercheurs, des militants et des journalistes engagés nous offrent une grille de lecture pour comprendre ce phénomène et pour mieux le combattre (tel que le rapport d’étude/controverses minières – Volet 1/Systext).

L’extractivisme comme matrice d’un système prédateur

L’extractivisme est le moteur de notre système écocidaire. Il est la matrice du crash environnemental auquel notre système économique nous pousse, à rebours de la protection des communs planétaires, sans inflexion ni modération, en dépit du franchissement de plusieurs limites planétaires.

En effet, pour pouvoir produire toujours plus de biens et services, il est indispensable d’exercer une pression toujours plus forte sur les ressources naturelles. Aux déforestations des temps anciens a succédé un système d’extraction généralisé permettant d’alimenter la machine capitaliste. A chaque avancée technologique son extraction. Du pétrole pour le moteur à explosion et des métaux rares par exemple pour nos smartphones, les voitures électriques, l’industrie du numérique… Mais la pression sur ces ressources et les écosystèmes est devenue si forte qu’elle entraîne une remise en cause des grands équilibres du Vivant.

Le reflet de l’exploitation de l’humanité par l’humanité

En parallèle des ravages environnementaux, l’extractivisme pointe une autre problématique : celle de l’exploitation de l’humanité par l’humanité.

La plupart des ressources exploitées ne sont pas consommées par les pays producteurs. Elles sont envoyées à l’autre bout du monde permettant d' »enrichir » “les pays les plus avancés » et les multinationales dans une logique effrénée de croissance et son consumérisme. S’est mis ainsi en place un système de domination des pays consommateurs sur les pays producteurs, aux dépens des ressources des premiers. Du colonialisme à l’orchestration de coups d’états en Amérique du Sud et en Afrique, ce système n’a fait que se renforcer. Il n’y a qu’à songer à la privatisation forcée des ressources naturelles des pays émergents ou encore à la mainmise des multinationales dans certains pays, pour voir qu’il n’est pas uniquement question de ressources. Il est question de paix et de guerre, de souveraineté et d’impérialisme et de démocratie face à l’autoritarisme. L’actualité brûlante de la guerre en Ukraine est venue nous le rappeler avec force et démontre à quel point les relations internationales sont dépendantes de ces ressources.

Mais il est aussi question de droits humains et environnementaux : De quel droit entretenons-nous des formes d’esclavage moderne dans les mines partout dans le monde pour défendre notre mode de vie occidental ? De quel droit nous érigeons-nous comme maîtres et ravageurs de la Nature ? De quel droit renions-nous à la nature le droit d’exister par et pour elle-même ? De quel droit entretenons-nous ce système écocidaire ? Comment expliquer cette absence de lucidité qui mène à notre suicide, nous qui faisons partie « par nature » de la vie terrestre et maritime ? Les espaces naturels les plus viables ne doivent-ils être préservés que pour une petite minorité de privilégiés ?

Avec France Relance, le gouvernement français, avec l’approbation du Ministère de la Transition écologique, tente d’instaurer une nouvelle génération de projets extractivistes, présentés comme plus responsables des droits humains, en assumant la responsabilité des impacts sur les écosystèmes, les paysages des activités causées par les modes de développement et de consommation des Pays du Nord. Ce faisant, c’est également une nouvelle boîte de Pandore qui s’ouvre :

● la remise en cause de la protection des écosystèmes nationaux, pourtant trop peu étendus et insuffisamment protégés, et leur fragilisation,

● mais aussi l’exploration, voire l’exploitation dite durable, des grands fonds marins et d’autres lieux difficiles d’accès tel que l’Arctique…. Ceux-ci étaient jusqu’ici protégés par leur inaccessibilité et leur coût d’extraction. Les exploiter serait mettre en danger définitivement leurs grands équilibres.

Pourquoi un groupe de travail “Extractivisme”

L’objectif de ce groupe de travail est de dresser un constat sans concession et sans complaisance des impacts du productivisme et de l’extractivisme sur le vivant. Il est aussi d’affirmer les alternatives pour préserver la nature et l’humanité sous la forme par exemples de l’éco conception, de l’économie circulaire, du développement de la sobriété…. 

Ce groupe de travail ambitionne de synthétiser et de rendre accessibles les combats qui sont menés à ce sujet.

Un groupe de travail informel, composé de membres de différentes commissions, s’est constitué. Il s’agit d’une première étape démontrant l’intérêt et l’importance du sujet.

Localement, l’actualité l’a amené à travailler sur un premier communiqué de presse en réaction au risque d’un projet d’exploitation d’une carrière de lithium dans le site Natura 2000 de Tréguennec (Finistère). Le sujet de l’extractivisme pose notamment la question de l’externalisation de l’extraction des matières premières dans les pays du Sud et/ou de sa mise en œuvre dans les pays du Nord.

Le GT extractivisme se propose de travailler sur cinq axes :

  1. Contribuer à un historique des positionnements du parti sur le sujet avec la constitution d’une bibliographie (en lien avec le site www.archivesecolo.org) ;
  2. Identifier les enjeux relatifs à l’extractivisme en France et dans le monde dans toutes ses composantes : environnementales, économiques, stratégiques, géopolitiques, juridiques, technologiques, humaines, sanitaires et sociales.
  3. Formuler un positionnement officiel du parti en lien avec ces questions à travers la rédaction d’un “Livre vert de l’extractivisme” et de contributions spécifiques adaptées aux échelons internationaux, nationaux, régionaux et locaux selon les besoins ;
  4. Échanger, former et informer les militant-e-s et élu-e-s, notamment celles et ceux en responsabilité, sur la thématique, ses enjeux et sur les politiques publiques pour y répondre ;
  5. Tisser des liens avec les organisations et les personnalités impliqué-e-s sur la thématique dans ses différents aspects.

Motion

Le Conseil Fédéral, réuni le 14 mai 2022, décide :

● Qu’un groupe de travail intitulé « GT Extractivisme » est créé au sein du parti EÉLV, ouvert à l’ensemble des militant-e-s du pôle écolo ;

● Que ce groupe de travail se donne pour mission de contribuer à l’élaboration d’un historique du parti et d’une bibliographie sur cette thématique, d’identifier les enjeux de l’extractivisme, de proposer un positionnement officiel du parti par la rédaction du “Livre vert de l’extractivisme”, de former les militant-e-s et élu-e-s sur la thématique et ses enjeux et de tisser des liens avec les organisations et personnalités spécialistes de la thématique ;

● Qu’à cette fin, le Groupe de travail auditionnera différent-e-s spécialistes universitaires, associations et mouvements ;

● Que ce GT travaillera de manière transversale avec tous les organes du parti EÉLV, dans un esprit de co-élaboration, notamment avec les commissions thématiques nationales ;

● Qu’il soumettra à l’approbation du Conseil Fédéral “le Livre vert de l’extractivisme” pour l’adopter comme positionnement officiel du parti ;

● Qu’il prendra l’attache de la FEVE et du CEDIS entre autres, pour assurer la formation et la diffusion du Livre vert ;

● Qu’il rendra compte régulièrement de ses activités à l’occasion des séances du Conseil Fédéral ;

● Que ce GT, en concertation avec les commissions concernées, puisse proposer des prises de position aux porte-parole d’EÉLV.

Pour : 84 ; blanc : 3 ; contre : 3 ; nppv :1



Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts du 14 mai 2022