Exposé des motifs

Une situation qui concerne près de 20% de Français·e·s, sans réelle prise en compte

Tous les mois, de l’adolescence jusqu’à la ménopause, pour quelques jours ou une semaine, des femmes, personnes non binaires et Trans masculines (personnes menstruées) ont leurs règles. Selon un sondage IFOP de 2021, 48% des Français.es souffrent de règles douloureuses. Pour 34% elles sont assez douloureuses et pour 14% très douloureuses.

L’étude montre également que pour 19% des Français.es, leurs règles les ont amenées à renoncer à aller au travail. Or aujourd’hui en France, contrairement à d’autres pays dans le monde, aucune disposition particulière n’existe pour prendre en compte ces situations rencontrées par les personnes menstruées dans leur vie professionnelle. C’est pourquoi l’idée de la mise en place d’un congé menstruel était déjà portée par Yannick Jadot lors des élections présidentielles de 2022. 

La ville de Saint Ouen est la première ville en France à avoir annoncé la mise en place du congé menstruel et le Conseil de Paris a également adopté un vœu en faveur d’une telle mesure pour ses agent.es sous l’impulsion des écologistes. 

Les enjeux :

1. La période menstruelle : un impact sur la santé de certaines personnes

Le cycle menstruel a aussi des effets sur l’état psychologique des personnes menstruées puisqu’une nette majorité d’entre elles (81%) déclarent connaître des désagréments comme la fatigue (80%), le sentiment d’être plus irritable (71%) ou encore d’être plus mal à l’aise avec leur corps (59%). Les règles peuvent créer des crampes abdominales fortes, des vertiges ou des maux de tête. Elles sont aussi parfois pathologiques, irrégulières ou anormalement longues, peuvent générer des douleurs intenses invalidantes, mais aussi des hémorragies importantes, des migraines aiguës ou d’importants dysfonctionnements digestifs. Certaines règles invalidantes nécessitent déjà des arrêts maladie comme par exemple l’endométriose, pathologie touchant 10% des femmes et dont le diagnostic prend plusieurs années.

2. La période menstruelle : un poids économique et un coût assumé par les personnes concernées

Elles suscitent aussi un poids financier pour les personnes menstruées avec le coût des protections hygiéniques, de la contraception hormonale parfois prise pour limiter les effets secondaires du cycle, ou le coût des arrêts maladies.

Dans un monde du travail qui a été pensé de façon patriarcale, il est urgent de se préoccuper de la santé menstruelle et de se doter d’une véritable politique de santé publique en la matière. Cela passe notamment par la mise en place d’un congé menstruel qui permettrait également d’apporter une visibilité à ce sujet.

3. Un tabou, source de discrimination pour les personnes menstruées

En effet, selon le sondage de l’IFOP de 2021, la société et l’espace social revêtent parfois un caractère hostile à l’égard des personnes ayant leurs règles : 46% d’entre elles ont déjà eu le sentiment que la gêne ou la douleur de leurs règles étaient sous-estimées par leurs amis, et 42% par des membres masculins de leur famille. De plus, 33% de personnes ont déjà subi des moqueries ou des remarques désobligeantes en raison de leurs menstruations.

4. La France, en retard sur de nombreux pays dans le monde

En Indonésie, deux jours de congé menstruel par mois sont accordés aux travailleuses par une loi de 2003. À Taïwan, trois jours supplémentaires par an sont accordés aux femmes pour leurs règles, en plus des 30 jours statutaires, tandis qu’en Zambie elles ont droit à une journée de repos chaque mois.

Au Japon, une loi datant de 1947 dit que les personnes confrontées à une période de menstruation difficile doivent bénéficier d’un congé, sans être nécessairement payées durant leur absence. La même disposition existe en Corée du Sud, où les femmes ont le droit de demander un congé pendant leurs règles.

Le 16 février 2023, les député.es espagnol.es ont définitivement voté une loi créant un congé menstruel pour les personnes souffrant de règles douloureuses, une première en Europe. C’est une mesure destinée, selon le gouvernement, à briser un tabou. En France, deux tiers des femmes sont aujourd’hui favorables au congé menstruel.

Notons que les employeurs peuvent choisir d’adopter un congé menstruel pour le bien-être de leurs employé·e·s et certaines entreprises l’ont mis en place en France. Cependant le tabou, les normes culturelles et la pression au travail peuvent empêcher les personnes menstruées de le prendre.

Motion

Le conseil fédéral soutient l’établissement d’un congé menstruel :

  • Celui-ci prendra la forme d’un forfait annuel d’un certain nombre minimum de jours d’arrêts par an mobilisables sans préavis par les personnes menstruées ayant des règles incapacitantes et pris en charge par la sécurité sociale. 
  • Ces personnes pourront bénéficier d’un certificat médical attestant de leur situation et n’auront plus par la suite à fournir de justificatifs.
  • Ce dispositif donnera lieu à la suppression du jour de carence qui est injuste financièrement.
  • L’objectif est de normaliser l’absence en cas de règles incapacitantes, sans culpabilisation ou justification.

Le Conseil fédéral défend la mise en place d’une campagne de sensibilisation et d’information du monde du travail pour :

  • Favoriser la possibilité de recourir au télétravail et mettre en place des horaires flexibles pendant les périodes de règles des personnes menstruées.  Le télétravail étant une réponse possible mais ne doit pas être systématique car il n’est pas adaptable à tous les métiers, peut être vecteur d’inégalités et n’est pas possible en cas de souffrances invalidantes. 
  • Lever le tabou qui existe sur les règles, alléger la charge qu’elles font porter sur les personnes menstruées et ancrer l’idée qu’il est normal de prendre du temps pour sa santé menstruelle. 
  • Encourager la mise à disposition de protections hygiéniques gratuites dans les toilettes des lieux de travail.
  • Renforcer les mesures de lutte contre la discrimination à l’embauche et au travail pour que les personnes menstruées ayant recours au congé menstruel ne soient pas discriminées.

Cette mesure doit aller de pair avec l’évolution de notre système de santé qui demeure paternaliste avec un manque de confiance en l’expertise usagère. La politique de santé doit être améliorée pour un meilleur accès au soin pour tous.te.s en :

  • Renforçant la formation du personnel médical sur la prise en charge des douleurs liées aux règles.
  • Rendant gratuites et libres d’accès les protections hygiéniques par exemple auprès des écoles des universités et municipalités ou services de l’Etat. En effet, 2 millions de femmes en France seraient en précarité menstruelles.
  • Réduisant la TVA à 5.5% sur les protections hygiéniques vendues en pharmacies et en grande surfaces.
  • Soutenant le financement de la recherche sur les douleurs menstruelles, l’endométriose et la santé des femmes et des personnes trans.

Enfin, le Conseil Fédéral soutient l’exploration de la mise en place du congé menstruel pour les salarié.es d’EELV. 

Conclusion :

Pour que le monde du travail et notre système de santé soit plus juste, féministe et équitable, il doit prendre la santé menstruelle au sérieux et s’attaquer aux défis auxquels les personnes menstruées sont confrontées lorsque elles souffrent pendant leurs règles.

Une loi sur un congé menstruel en France est nécessaire et EELV s’engage en faveur de la mise en place de cette mesure.

Aujourd’hui, de nombreuses personnes ont droit à ce congé dans le monde. Pourquoi pas pour toutes ?

Unanimité pour


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