Exposé des motifs

Le nucléaire est en crise mondiale depuis plus de trente ans. La mise en service du deuxième réacteur de la centrale nucléaire de Civaux en 1999 a signé la fin d’une période faste pour cette industrie en France. Depuis la catastrophe de Tchernobyl, suivie de la lente dégradation de l’image du nucléaire dans l’opinion publique, les scandales industriels et financiers et les accords politiques avaient durablement stoppé les ambitions du secteur. Le démarrage du chantier de l’EPR à Flamanville et les constructions à Taishan et Olkiluoto auraient pu offrir une éclaircie mais ont conduit à une impasse technique et commerciale avec peu d’exemplaires vendus et des dérapages considérables dans les coûts de construction qui ont été épinglés par la Cour des comptes en 2020.

Cette situation a pu amener les Verts puis Europe Écologie – Les Verts à diminuer son investissement sur ce sujet, en dehors des luttes localisées contre CIGEO à Bure, contre le chantier de l’EPR à Flamanville et les actions localisées autour des centrales existantes.

Si les associations d’écologistes pour le nucléaire ont toujours essayé d’émerger, elles restent largement contingentées au milieu des travailleurs du domaine et n’ont jamais pris pied dans le grand public. De même, aucun parti écologiste n’a jamais percé en mettant en avant un programme énergétique nucléaire.

Il nous faut néanmoins prendre en compte l’émergence d’une génération qui n’a pas connu les essais nucléaires militaires ni la période de la guerre froide et dont la préoccupation majeure est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. L’industrie nucléaire a profité de l’effet « décarbonation » pour vendre une énergie qu’elle présente comme la solution miracle au dérèglement climatique. Elle a focalisé sur cet argument afin de masquer les augmentations de ses coûts, son incapacité à gérer ses déchets, sa faible capacité de résilience (en particulier dans une économie dégradée) et évidement les dangers inhérents à cette technologie.

En s’appuyant sur des « experts » et des influenceurs organisés sur les réseaux sociaux, la filière nucléaire a tenté d’entraîner les milieux des militant·e·s pour le climat vers ses positions. Ces influenceurs pronucléaires ont pu convaincre des personnes mettant l’argument climatique par-dessus tout. Nos actions et réflexions doivent aussi être dirigées vers ces militant·e·s, collectifs et associations afin de leur permettre de comprendre l’impasse de cette filière et de changer leur corpus idéologique sur cette question.

Alors que rien ne laissait présager un retour en état de grâce de cette énergie, l’opinion publique s’est progressivement infléchie et la campagne de désinformation des électriciens, couplée à des croisades anti-éoliennes, a commencé à porter ses fruits. Les annonces d’Emmanuel Macron en 2021 ont marqué le retour de projet de constructions de nouveaux réacteurs (les EPR2) avec un premier site à Penly en Seine-Maritime. 6 réacteurs sont annoncés dans un premier temps, avec un étude portant leur nombre total potentiel à 14 réacteurs. Notons que ces 14 réacteurs ne compenseront pas les fermetures des centrales en fin de vie (bien que certain·e·s s’’imaginent les prolonger à 60 ou même 80 ans) et que la part de l’énergie nucléaire dans le mix français sera alors de moins de 50 %. Tous les scénarios envisagés (RTE, ADEME, Négawatt) prévoient que les énergies renouvelables fourniront l’essentiel de l’électricité en complément à une politique de sobriété et d’efficacité limitant les futurs besoins.

Les trois risques majeurs que sont l’accident, les déchets nucléaires et la prolifération de la bombe limitent l’extension des sociétés nucléarisées à quelques pays parmi les plus développés. Cette énergie se retrouve cantonnée aux marges de la production électrique mondiale, entre zéro et 10% de la production électrique dans les scénarios compatibles avec l’Accord de Paris de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), du GIEC et même de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA).

La tentative de relance actuelle du nucléaire ne répond pas à l’urgence des changements climatiques. Pourtant les mensonges des défenseurs acharnés de la filière trouvent un relai dans les partis de droite, d’extrême droite, de la majorité présidentielle et de la gauche la plus productiviste. Une partie de l’industrie française s’est déconsidérée en poursuivant cette chimère symbolisée par le chantier de l’EPR de Flamanville. Elle a été accompagnée par le pouvoir en place qui a accepté, pour masquer leurs échecs techniques et financiers, une dégradation possible de la sûreté du parc existant en voulant la disparition de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) contre l’avis des salarié·es. Cette évolution signerait la fin du système dual qui sépare la décision de l’expertise, spécificité de la sûreté en France et rouage de l’indépendance des contrôleurs.

Motion

Europe Écologie – Les Vert réaffirme son opposition à l’énergie nucléaire, et son inscription comme une valeur fondamentale du parti.

Au niveau national, il demande la mise en place d’une convention citoyenne sur le nucléaire et au niveau européen, la négociation d’un nouveau traité environnemental européen proscrivant la relance du nucléaire civil.

Il enjoint également l’Union européenne à sortir progressivement de l’atome pour la production d’énergie à la manière dont elle tente de se libérer des fossiles.

Le conseil fédéral :

• demande la mise en place d’une convention citoyenne sur le nucléaire ;

• apporte son soutien aux territoires qui sont aujourd’hui en lutte contre les projets nucléaires, en particulier en Normandie, dans le Nord, dans la Meuse, dans la vallée du Rhône et partout où émergent des projets d’EPR ;

• demande au Bureau Exécutif de lancer une campagne, en lien avec la Commission Energie et Climat, permettant de rendre visibles les positions d’EELV sur le nucléaire, en éditant un tract qui pourra être diffusé par l’ensemble des adhérent·e·s et une affiche sur l’opposition à l’énergie nucléaire, dans les meilleurs délais. Une plénière sur l’énergie nucléaire sera également organisée lors des JDE ;

• soutiendra EELV Normandie dans le projet d’organiser une visite de son Bureau Exécutif et de ses parlementaires contre les projets d’EPR de Flamanville et d’EPR2 de Penly ;

• appelle à participer au rassemblement contre le projet CIGEO de Bure le 3 juin 2023 à Paris afin de rendre visible sa solidarité avec les mouvements d’opposition ;

• demande au Bureau Exécutif de prendre contact avec les organisations pour la sortie du nucléaire pour mettre en place une campagne commune et organiser une manifestation nationale contre le programme de relance nucléaire français, selon les modalités qui auront été définies collégialement ;

• demande aux régions et aux groupes locaux, concernés ou non par une installation nucléaire d’organiser ou de soutenir le 26 avril prochain des rassemblements ou autre manifestation en commémoration de la catastrophe de Tchernobyl permettant d’alerter sur les dangers de la relance du programme énergétique nucléaire civil.

• Demande aux élu-es au parlement européen de porter nos positions à l’échelle de l’Union européenne, qui est un échelon de coordination stratégique et un contre-pouvoir majeur, en matière de politique énergétique et de sûreté, à la politique pro nucléaire des gouvernements français successifs. De profiter de cette échelle pour porter ces enjeux et ces arguments dans l’opinion publique française, en soutien à no parlementaires nationaux qui font face à une très sévère opposition y compris au sein des partis de la gauche productiviste

Unanimité moins 2 blancs


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 1er et 2 avril 2023