Résumé

Les Talibans ont repris illégitimement le pouvoir en Afghanistan en 2021. L’Afghanistan est devenu depuis deux ans le théâtre d’une tragédie pour ses populations et particulièrement les femmes et les filles. Elles ont été progressivement marginalisées et privées de leurs droits les plus essentiels. Les Afghanes vivent aujourd’hui sous un régime répressif qui limite toute participation à la société et restreint drastiquement leur liberté de mouvement.

Exposé des motifs

De 2001 à 2021, la communauté internationale a apporté un soutien moral, financier et militaire aux Afghans dans tous les domaines, individuels et collectifs. La création d’une structure gouvernementale démocratique en Afghanistan a favorisé l’affirmation des droits individuels, sociaux, éducatifs, de santé et de participation des femmes au cours des deux dernières décennies. Mais le régime mis en place a rapidement connu une corruption si forte qu’elle a entrainé un rejet parmi les populations, en particulier les plus pauvres ou les plus rurales. Les pays occidentaux continuant malgré tout à soutenir le gouvernement se sont discrédités aux yeux des populations afghanes, favorisant le retour progressif des talibans. Ainsi, les conditions crées par la guerre de la coalition et une guérilla permanente, qui a vu les talibans s’emparer de nombreuses régions, ont empêché que les droits enfin obtenus pour les femmes soient réellement appliqués hors de la capitale, Kaboul.

Durant cette période, le pourcentage de filles inscrites à l’école primaire en Afghanistan était passé de 0% à 40%. Le nombre d’étudiantes à l’université avait été multiplié par 20, passant de 5 000 femmes à 100 000. Les femmes composaient alors 26% des membres du service public. Les statistiques montrent qu’au moment de la chute de Kaboul près de 9,7 millions d’élèves étaient scolarisés, dont 47 % étaient des filles.

En 2022, les talibans ont interdit aux filles et aux femmes afghanes d’accéder à l’éducation, aux universités et au monde du travail. Najiba Arian, porte-parole du ministère de l’Éducation du régime précédent, estime que les talibans ont ainsi privé plus de 2,5 millions de filles de leur droit à l’éducation, contribuant à faire naître une société analphabète en Afghanistan. 60 000 femmes ont aussi perdu leur travail pour se retrouver dans une pauvreté et une dépendance extrême. Aujourd’hui, l’Afghanistan affirme une volonté destructrice de toute possibilité d’émancipation des femmes.

Selon l’ONG Care France, « les femmes et les filles sont en première ligne des effets du conflit, notamment en matière d’accès à la santé. L’accès au planning familial, aux soins prénataux et postnataux, aux soins spécialisés, aux dépistages et aux traitements du cancer du col de l’utérus est quasi inexistant. La pénurie de personnel médical féminin ajoute des défis supplémentaires. ». En effet depuis août 2021, les femmes ont été interdites de l’exercice de la médecine alors qu’elles sont les seules à avoir le droit de soigner d’autres femmes. Les femmes sont ainsi livrées à la maladie et à la mort.

En plus de la violence à leur encontre, en 2023, les talibans ont rejeté l’aide humanitaire proposée par des organisations internationales en Afghanistan. La violence et les menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et des journalistes persistent et s’intensifient chaque jour.

Dans un rapport de mars 2023, la Commission internationale des juristes (ICJ) et Amnesty International ont analysé que ces violations des droits humains à l’encontre des Afghanes pouvaient relever de la qualification de crime contre l’humanité et de persécution de genre.

Les groupes talibans imposent des lois extrémistes et interprètent faussement la charia, se livrant à des mariages forcés, à l’emprisonnement et à la torture de femmes, les accusant notamment de “crimes de moralité”. Des prisons spéciales pour les femmes ont été créées dans toutes les provinces d’Afghanistan, et plus de 3.000 femmes sont actuellement détenues.

Les talibans font de l’Afghanistan une terre d’accueil pour les groupes terroristes grâce à des promesses attrayantes telles que le djihad al-nikah (mariage de jouissance) ce qui a conduit à l’enlèvement forcé de nombreuses femmes et la saisie des maisons et des biens des Afghans. La persistance de cette situation crée un risque accru d’expansion du terrorisme et de menaces pour la sécurité mondiale.

Haleema Sadaf Karimi, membre du Parlement représentatif du régime précédent, souligne le manque de pression de la communauté internationale et le silence qui renforcent la confiance des talibans dans leur capacité à imposer des restrictions aux femmes et aux filles en Afghanistan.

Les femmes et filles afghanes sont piégées à l’intérieur de l’Afghanistan, incapables d’en sortir sans être accompagnées d’un homme. Celles qui avaient réussi à rejoindre le Pakistan voisin sont aujourd’hui refoulées et renvoyées en Afghanistan.

Les visas humanitaires sont impossibles à obtenir dans les ambassades françaises au Pakistan et en Iran. Les visas longue durée pour regroupement familial avec leurs époux réfugiés en France le sont également.

Depuis la chute de Kaboul, les écologistes se sont engagé·e·s auprès des femmes afghanes et œuvrent à leur libération : dîners solidaires pour apporter des fonds aux associations non aidées par l’Etat, hébergements solidaires et mise en place de projets portés par des elu·e·s écologistes, etc.

Nous appelons à un réel soutien politique pour la survie des femmes afghanes. Nous avons toutes et tous la responsabilité de les aider dans leur lutte pour leurs droits et pour leur vie. Depuis 2001, beaucoup de femmes afghanes ont acquis une conscience de leurs droits individuels et collectifs. Les Afghanes doivent être enfin décisionnaires dans tous les aspects de leur vie.

Plus de deux ans après cette tragédie, le gouvernement français, l’Union européenne et la communauté internationale ne doivent pas abandonner le peuple afghan.

Motion

Le Conseil Fédéral, réuni les 2 et 3 décembre 2023 :

1.     Accorde son appui aux organisations locales et internationales engagées dans la défense des droits des femmes en Afghanistan, et encourage les initiatives visant à assurer l’évacuation sécurisée des femmes et des filles en danger ;

2.     Appelle la France, l’Union européenne et la communauté internationale à prendre des mesures immédiates pour soutenir le peuple afghan ;

3.     Appelle l’Etat français à accorder de façon inconditionnelle l’asile et a minima la protection subsidiaire aux femmes, filles afghanes et leurs familles et à demander que le dispositif exceptionnel de la protection temporaire créée par la directive 2001/55/CE soit proposé par la Commission européenne au Conseil de l’Union européenne ;

4.     Demande au Gouvernement français qu’à l’instar des ambassades belges et allemandes, les ambassades françaises présentes au Pakistan et en Iran jouent leur rôle de mise en sécurité des femmes et des filles afghanes, facilitent les arrivées, le rapatriement des femmes afghanes sur le sol français et accélèrent le mécanisme d’octroi de visas pour les familles de réfugiés afghans déjà présents sur le territoire de la République ;

5.     Demande au gouvernement français de mettre en place des bourses d’études spécifiquement destinées aux femmes et aux filles afghanes en France, afin de garantir leur accès à l’éducation ;

6.     Encourage les universités et les collectivités locales à coopérer pour faciliter la poursuite des études des femmes afghanes en France ;

7.     Insiste sur la nécessité de fournir des conditions d’accueil dignes pour les Afghan·ne·s en France, en accordant une attention particulière à leur logement et à leur apprentissage de la langue française ;

8.     Exige un renforcement significatif de l’aide humanitaire française au profit des femmes et des filles afghanes, notamment en apportant un soutien financier et logistique aux organisations non gouvernementales travaillant sur le terrain pour répondre à leurs besoins en matière de santé, d’éducation et de protection et en s’assurant que l’aide parvienne bien à ces bénéficiaires et ne soit pas détournée par les talibans ;

9.     Demande au Conseil de sécurité de l’ONU de reconduire le régime de sanctions prévu par la résolution 2255 (2015) contre les talibans, ainsi que toutes personnes, groupes, entreprises et entités associés aux talibans et notamment les mesures restrictives suivantes : gel des avoirs, interdiction de voyager et embargo sur les armes.

10.  Exhorte la communauté internationale à collaborer étroitement avec les femmes afghanes dans les domaines des droits humains, de la justice dans la perspectives de l’élaboration des résolutions liées à leur situation en Afghanistan ;

Unanimité pour


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts
des 2 et 3 décembre 2023