Le vote du Parlement européen sur le projet de nouvelle Politique Agricole Commune est intervenu vendredi 23 octobre, suite à une semaine intense de débat, pour un vote désastreux autour d’une feuille de route déconnectée des enjeux écologiques et sociétaux actuels. La position adoptée fait perdurer la fuite en avant d’un modèle agro-industriel à bout de souffle, sans aucune avancée vers une meilleure protection de notre environnement, ni prise en compte de l’urgence climatique. 

Pire, ce projet de PAC tourne le dos aux besoins des paysannes et des paysans, en confortant l’inégale répartition des aides : les 20% d’agriculteurs qui en ont le moins besoin pourront continuer à bénéficier des 80% de l’enveloppe de la PAC. L’installation des jeunes et le renouvellement des générations pourra attendre, alors que la moitié des agriculteurs partira à la retraite dans les 10 ans à venir. 

Ce vote tourne le dos aux attentes citoyennes, qui demandent une plus grande résilience alimentaire : bien peu sur l’agriculture biologique, sur le bien-être animal ou encore sur la relocalisation alimentaire, alors que les stratégies de la Commission Européenne « Biodiversité » et « Fourche à la Fourchette » avaient fixé des objectifs ambitieux. L’Europe ignore par ce vote sa propre feuille de route. 

Il tourne le dos à la nature, avec une conditionnalité environnementale réduite à la portion congrue, et des « eco-schemes » vidés de leur contenu et de leur ambition budgétaire. Par contre, les investissements dans l’agriculture digitale, l’agriculture de précision, « la bonne dose au bon endroit » à grand renforts de drones et de dérives technicistes, constitueront les principaux pans environnementaux de cette future PAC. L’agro-industrie doit se frotter les mains. 

Il tourne enfin le dos à l’ambition de la construction européenne, avec une renationalisation des politiques agricoles des Etats Membres à géométrie variable autour des « Plans Stratégiques Nationaux », qui ne feront qu’aggraver le dumping infra-communautaire. 

Les Eurodéputés écologistes ont bataillé point par point dans cette semaine difficile, proposant de multiples amendements pour tenter de remettre au centre les véritables enjeux et nous sommes fiers de leur combat sans concession pour une PAC privilégiant la transition agroécologique et la qualité de notre alimentation.  Et ce contre la grande coalition du Parlement européen qui rassemble les conservateurs du PPE (Parti populaire européen, auquel appartiennent Les Républicains français), les sociaux-démocrates S&D, et les libéraux de Renew (dont fait partie LREM). Force est de constater qu’une fois encore, l’écologie est dans tous les discours, mais quand il s’agit de les traduire en actes, la pression des lobbys reste la plus forte. Les 387 milliards d’euros de la PAC vont être investis pour les 7 années qui viennent dans des subventions qui vont favoriser une agriculture toujours plus dommageable pour le climat et la biodiversité. 

Il est inacceptable que les citoyen.ne.s, qui financent la PAC via leurs impôts, ne soient pas entendus. D’autant plus que les ONG s’étaient largement mobilisées depuis des mois sur ce dossier. Avec elles et avec la génération Climat menée par Greta Thunberg, nous attendons désormais que la Commission Européenne et sa Présidente, Mme Von der Leyen fasse le nécessaire pour sauver le Pacte Vert : qu’elle retire sa proposition au plus vite, afin d’en faire une nouvelle en cohérence avec sa propre feuille de route. Nous appelons d’ailleurs les citoyen.nes à signer la pétition en ligne affirmant cette demande : https://withdrawthecap.org 

Sans un geste de sa part, le risque est que le projet déjà néfaste adopté par le Parlement ne soit rendu pire encore lors des trilogues, sous la pression du Conseil. 

Eva Sas et Alain Coulombel, Porte-paroles d’EELV
Commission Agriculture et Ruralité d’EELV