Exposé des motifs :

Depuis les élections présidentielles de 2012, de nombreux textes de nature et de portée différentes rythment l’actualité en matière d’environnement : la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, la loi sur les produits phytosanitaires sur le territoire national, la loi sur l’exposition aux ondes électromagnétiques, la loi-cadre biodiversité, la réforme du code minier, la loi-cadre sur la transition énergétique, l’interdiction de la commercialisation de nouveaux OGM…

En parallèle de ces dossiers médiatisés, le Gouvernement a lancé en 2013 les États généraux de la modernisation du droit de l’environnement, qui font suite à la première conférence environnementale de septembre 2012 et traduisent l’un des engagements énoncés dans la « feuille de route pour la transition écologique ».

Il s’agit d’après le Gouvernement de clarifier et stabiliser l’ensemble des dispositions juridiques, réglementaires et législatives constitutives du droit de l’environnement. Quatre principes d’action doivent selon le Gouvernement fonder la réforme :

Ÿ  un principe de progrès, excluant toute régression du niveau d’exigence de la protection de l’environnement ;

Ÿ  un principe de proportionnalité des contraintes procédurales aux enjeux environnementaux ;

Ÿ  un principe d’efficacité : la recherche des effets concrets des normes pour la protection de l’environnement doit primer sur l’application formaliste des obligations procédurales ;

Ÿ  un principe d’effectivité : les normes doivent être effectivement appliquées et leur non-respect, le cas échéant, sanctionné.

Dans le cadre d’une large consultation lancée par le Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, du 26 avril au 9 juin 2013, plus de 800 contributions ont été recueillies.

Le 25 juin 2013 a eu lieu une journée nationale de débats qui a réuni, en présence de la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, près de 250 personnes représentant l’ensemble des parties prenantes.

Le 17 juillet 2013, une communication du ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie au conseil des ministres a rappelé l’engagement du gouvernement que la modernisation du droit de l’environnement soit conduite dans le respect des quatre principes fondateurs de la réforme.

Pourtant, à partir de septembre 2013 plusieurs des parties prenantes du processus s’inquiètent  publiquement de la tournure prise par les travaux. Le 13 septembre, la fédération France Nature Environnement (FNE) quitte les Etats généraux en contestant, d’une part, le manque de transparence dans les méthodes du gouvernement (refus de communiquer les 800 contributions issues de la consultation publique) et, d’autre part, les incohérences de l’action gouvernementale qui, en parallèle du travail de concertation, préparait un décret pour affaiblir la réglementation applicable aux élevages industriels, notamment porcins.

Le 15 octobre, le nouveau ministre de l’Écologie, Philippe MARTIN, présente la feuille de route gouvernementale pour la « modernisation » du droit de l’environnement aux membres du Comité national pour la transition écologique (CNTE). Face aux nombreuses réserves émises par les différents acteurs, le ministre répond en indiquant  qu’elles seront intégrées à la feuille de route.

Or, le 14 novembre, le CNTE est saisi de la même feuille de route, demeurée à sa version du 15 octobre non modifiée, les observations émises ayant uniquement été réunies dans une « synthèse » en annexe. Face à l’absence de prise en compte des 800 contributions écrites publiques, l’un des membres du comité de pilotage des Etats généraux, Arnaud Gossement, contestant la méthode employée  décide de ne pas soutenir la feuille de route et démissionne du comité de pilotage.

Le gouvernement confie dès lors la supervision des travaux relatifs à la réforme du droit de l’environnement au seul CNTE, auquel il est assuré qu’aucune initiative parallèle à son propre travail ne sera engagée sans qu’il n’y soit associé. Le gouvernement signe ainsi la fin des états généraux pour la modernisation du droit de l’environnement.

La commission du CNTE sur la simplification du droit de l’environnement est  lancée en janvier sous la présidence du sénateur Alain Richard.

Parmi la diversité des sujets abordés, une partie d’entre eux serait traitée au sein de 7 groupes de travail : schéma régional environnemental unique, étude d’impact et autorité environnementale, expérimentations (train d’ordonnances), participation du public, sécurité juridique sur la base d’un bilan contentieux, améliorer le contrôle et la répression des atteintes à l’environnement (suite rapport évaluation), améliorer la séquence éviter/réduire/compenser[1].

En contradiction avec le cadre annoncé, différentes démarches autour de la simplification du droit de l’environnement se poursuivent avec notamment la  consultation publique du 30 janvier au 22 février 2014 sur la création d’une autorisation ICPE unique[2], des dossiers soumis à avis au Conseil national de la protection de la nature (CNPN) sur la simplification de la gestion d’espaces naturels bénéficiant de plusieurs statuts de protection (espaces naturels dits « superposés ») et la nomenclature « eau » (dite IOTA).

Par ailleurs, toute une partie du travail engagé sur la modernisation du droit de l’environnement repose sur des expérimentations en régions, après une consultation précipitée du CNTE au cours de laquelle plusieurs membres (associations, CGPME…) se sont interrogés sur leurs intérêts et leur cohérence.

La méthode employée est aussi aux antipodes d’une véritable participation du public (garantie par le code et la Charte de l’environnement, ainsi que la Convention d’Aahrus[3]).

Trois signaux très négatifs pour le devenir du droit de l’environnement fin 2013 et début 2014

En parallèle des errements de la gestion de la « modernisation » du droit de l’environnement, le travail pour assouplir la réglementation sur les élevages porcins a été mené de façon accélérée[4] sans aucune prise en compte des contributions remontées de la consultation du printemps 2013. Un décret publié le 31 décembre 2013 vient ainsi affaiblir gravement la portée des dispositions protectrices de l’environnement en matière d’élevages industriels, en exemptant 90% des élevages porcins des procédures d’étude d’impact et d’enquêtes publiques, et en révisant de façon expéditive toutes les prescriptions techniques des élevages industriels porcins, bovins et volailles ![5]

Le 21 février 2014, le président de la République a annoncé le projet d’élargir encore cette approche, alors qu’elle aggrave le déficit environnemental de la France et la met en violation à sa règlementation et au droit communautaire.

Par ailleurs, la loi du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises ouvre la voie à des déréglementations en ce qui concerne les projets d’aménagement.

(Voir détails pour l’ensemble en annexe I) 

Motion :

Considérant ce qui précède, Europe Écologie Les Verts :

  • Rappelle

Que parmi les crises actuelles, la crise environnementale, avec notamment l’érosion massive de la biodiversité et le réchauffement climatique global, est la conséquence directe d’un modèle de développement dont les effets négatifs ne cessent de s’alourdir ;

L’engagement de la transition écologique de nos économies et de nos modes de vie est, dès lors, urgent et vital.

  • Dénonce

Le faux souci d’équilibrer – qui masque mal la volonté de « décontraindre » et de  libéraliser -, la notion de  « proportionnaliser les procédures aux enjeux environnementaux », procédant intrinsèquement d’une minoration du fait environnemental ;

Les attaques récurrentes dont fait l’objet, depuis des années, le droit de l’environnement ; toutes fondées sur le présupposé idéologique selon lequel la protection de la nature constituerait un obstacle au développement économique et le procès fait aux défenseurs de la nature de multiplier les recours abusifs devant les tribunaux, sans qu’aucune preuve concrète, chiffrée, ne vienne à l’appui de ces accusations ;

Que le processus de « modernisation » du droit de l’environnement lancé en 2013 ne repose pas sur un diagnostic clair et partagé, permettant de s’assurer de son bien-fondé et de qualifier le périmètre et les objectifs du processus.

Le décret du 31 décembre 2013 visant à faciliter l’ouverture et l’agrandissement des élevages porcins industriels et à permettre le subventionnement de la mise aux normes des bâtiments au frais du contribuable, alors que la priorité et l’urgence des fonds publics devraient être la transition écologique, et non au maintien sous assistance d’un système déjà épuisé ;

Le projet d’ouvrir la porte à l’agrandissement de tous les types d’élevage annoncé par le président de la République.

La loi du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises dans la mesure où elle prévoit un nivellement par le bas du droit de l’environnement ;

Le projet d’ouvrir la porte à l’agrandissement de tous les types d’élevage annoncé par le président de la République ;

Certaines dispositions forestières du projet de loi d’avenir agricole et forestière dont l’objectif est destiné, pour l’essentiel, à subordonner toute la conservation et la gestion forestière à l’exploitation et à une productivité accrue au détriment des équilibres biologiques.

  • Affirme

Que l’internalisation des coûts environnementaux, l’éco-conditionnalité des aides publiques, une fiscalité responsabilisante et inductrice de pratiques vertueuses sont les conditions  du « changement, c’est maintenant » et de la recherche de l’excellence environnementale annoncée au printemps 2012. Ces conditions figurent par ailleurs sur la feuille de route des parlementaires écologistes décidée par le Conseil Fédéral Europe Ecologie Les Verts en juin 2012 ;

Que l’écriture du droit de l’environnement, outil essentiel à mobiliser pour la transition écologique, doit servir ces principes d’actions et ne pas servir, comme trop souvent, à dévoyer le droit, à complexifier les choses et à dédouaner les responsabilités ;

Que la simplification n’est pas de mise en matière d’environnement, un « choc » en la matière encore moins. Le droit actuel est déjà en-deçà des besoins et mal appliqué. Au-delà du « toilettage » classique de dispositions redondantes ou décalées, lequel s’opère au demeurant, ce sont respect, application et renforcement qui s’imposent, en toute loyauté, affirmation, assurance et sérénité ;

Toute réforme législative ou règlementaire doit respecter les principes protection, précaution, prévention, correction, réparation, participation, inscrits dans l’article L. 110-1 du Code de l’environnement et la Charte de l’environnement. Le principe de non-régression du droit de l’environnement doit s’appliquer.

  • Demande

Que la « modernisation » du droit de l’environnement fasse l’objet d’un diagnostic global, approfondi et transparent, qui permette d’en établir l’opportunité, qui n’est pas avérée aujourd’hui. Le Gouvernement devra proposer une méthode et un calendrier clair de travail, permettant une participation réelle des différentes parties prenantes.

Que dans l’attente, le secteur de l’environnement soit écarté de la légifération par voie d’ordonnance.

Unanimité pour

 

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Annexe

Décret du 31 décembre 2013
sur les élevages porcins

Le décret paru le 31 décembre 2013 au Journal Officiel, permet aux élevages porcins compris entre 50 et 450 porcs à faire une simple déclaration et à ceux de 450 à 2 000 porcs (ou inférieurs à 750 truies) de seulement s’enregistrer, à compter du 1er janvier 2014. C’est-à-dire qu’il n’y aura plus d’enquête publique, ni d’étude d’impact sur l’environnement, ni besoin des avis des services de l’État en charge de la protection de la santé publique ou de l’environnement.

Ce décret est problématique tant sur le plan environnemental que sur le plan économique. Il va favoriser la concentration des élevages et amplifier les pertes d’emplois dans l’agriculture, alors que la Bretagne, qui produit 58 % de la production nationale de porcs, a déjà perdu le quart de ses exploitations porcines entre 2000 et 2010. Alors que la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne en juin 2013 pour non-respect de la directive « nitrates », ce décret ajoute un nouveau recul réglementaire après la diminution des surfaces exigées pour l’épandage du lisier (décret du 11 octobre 2011) et la suppression de l’interdiction d’extension dans les zones d’excédent structurel de lisier.

En outre, certaines mesures jusqu’à aujourd’hui obligatoires au vu de la soumission au régime d’autorisation deviennent facultatives. Ceci ouvre la porte aux subventions publiques pour la mise aux normes des élevages ou la construction de bâtiments performants (voir les plans « bâtiments » en préparation dans le Conseils régionaux). Ce décret transfert ainsi à la charge du contribuable la concentration et la multiplication des élevages industriels porcins.

Extension de la déréglementation à l’ensemble des types d’élevage

Le Président de la République a par la suite annoncé, dans les colonnes de la France Agricole le 21 février 2014, sa volonté d’étendre la déréglementation du décret de décembre 2013 à l’ensemble des types d’élevages.

Loi du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises :

Au nom d’un «intérêt économique majeur», cette loi ouvre la porte à de nouvelles entorses au droit de l’environnement, Son article 16, en particulier, lui offre désormais la possibilité de revoir, par ordonnance, l’actuel régime juridique auquel tout projet d’aménagement est normalement soumis, notamment en matière d’évaluation environnementale. Cette disposition crée en effet de nouvelles « zones d’intérêt économique et écologique », que la loi décrit comme des « zones présentant un intérêt majeur pour l’implantation d’activités économiques dans lesquelles les enjeux environnementaux font l’objet d’un traitement anticipé ».


[3] Il s’agit d’une convention internationale sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée le 25 juin 1998 par 39 États, est un accord international visant à :

  • améliorer l’information environnementale délivrée par les autorités publiques, vis-à-vis des principales données environnementales ;
  • favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement (par exemple, sous la forme d’enquêtes publiques) ;
  • étendre les conditions d’accès à la justice en matière de législation environnementale et d’accès à l’information.

[4] Les membres du Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques ont refusé de prendre part au vote lorsque le texte leur a été soumis, car ils n’avaient pas eu les délais nécessaires pour les étudier.

[5] Il y a eu 900 réactions à la consultation publique électronique sur la déréglementation des élevages, dont une très large majorité défavorable.