Les signataires

La démocratie dans tous ses états

La démocratie est interpellée dans sa capacité à répondre aux maux de notre époque. Cette crise de confiance envers le politique et les institutions conduit à l’installation de démocraties illibérales. Même au sein des « vieilles démocraties », l’idéal de construction collective, de participation au débat public et d’accès à une information contradictoire, ne semble plus assuré.

Le mouvement des Gilets jaunes, les marches pour le climat, pour la défense des maternités et les nombreuses mobilisations citoyennes, interpellent directement l’inaction du politique tout autant que le fonctionnement de notre démocratie.

L’urgence climatique et environnementale pose aussi de manière inédite la question de la démocratie : nous devons nous organiser autrement et nous gouverner autrement pour être en mesure de relever ces défis, tout en gardant la capacité à vivre ensemble et à garantir la justice sociale.

La tentation du vertical et de l’autoritarisme est grande dans ce contexte. Face à ce risque il est urgent de porter une nouvelle ambition démocratique.

Cette ambition peut s’inspirer de la pensée en «archipel»[1] au service d’une démocratie qui s’incarne ici et maintenant. Les territoires sont l’échelle de cette incarnation, l’échelle du lien et du faire. Habiter, travailler, manger, se déplacer autrement, les changements s‘opèrent à cet échelon. Le territoire est « cette «machine à créer une identité narrative[2]»pour une transformation écologique et sociale réussie.

Faire vivre une démocratie permanente, partout et tout le temps.

« Créer un sentiment de démocratie permanente, de démocratie continue » dit Pierre Rosanvallon.

L’idée de démocratie permanente n’oppose pas démocratie représentative, directe et participative, elle les assemble et les articule. Elle pose l’idée qu’au-delà du temps de l’élection, cette démocratie doit reconnaitre la capacité pour chacun-e d’apporter sa contribution. Elle se préoccupe de l’inclusion et lutte contre le sentiment de relégation, des citoyen-nes comme des territoires.

Si beaucoup reste à inventer, des expériences inspirantes ont été conduites à Saillans, Loos en Gohelle, Kingersheim ou avec les territoires en transition, territoires hautement citoyen, énergies citoyennes, AMAP…

Sans être exhaustif, ces expériences portent des caractéristiques communes :

  • La redéfinition de la posture et du rôle des élu-es et plus largement des «décideurs », en réinventant de nouvelles légitimités plutôt qu’en s’accrochant à celles d’hier,
  • La place des citoyens-nes dans les processus de décisions et la reconnaissance de leurs initiatives concrètes et de toutes formes de contributions,
  • La défense des communs naturels et le souci du juste partage de l’accès aux ressources tout comme leur préservation,
  • L’actualisation du projet de l’éducation populaire affirmant la nécessité d’une éducation permanente à la citoyenneté et au pouvoir d’agir,
  • La préoccupation du pouvoir de décider comme du pouvoir d’agir,
  • La réaffirmation du rôle des « corps intermédiaires » devenus « corps d’interaction », au service de l’intelligence collective et du faire ensemble,
  • La réinvention de la proximité, face à l’incantation à la mobilité : par des lieux d’incubation de la démocratie vivante, de l’agir citoyen et du lien social.
  • La volonté constante d’élargissement du cercle des participant-es,

Ces principes constituent une base de réflexion pour enrichir la démocratie locale et dépasser les tentatives très inabouties de la démocratie participative.

Nous sommes à ce moment décisif où la réinvention démocratique est le rempart contre l’illusion populiste et autoritaire et la solution pour réussir les transformations qui s’imposent.

Être le mouvement de la réinvention démocratique pour répondre aux urgences

La « politique autrement », le fédéralisme, la démocratie participative, la gouvernance au cœur de la résilience des territoires, les écologistes ont toujours su établir le lien entre écologie, démocratie et territoires.

Considérant que :

  • L’urgence écologique et sociale invite à de profondes transformations démocratiques, avec celles et ceux qui sont mobilisés sur cette question : gilets citoyens et gilets jaunes, chercheurs, médias alternatifs, innovateurs démocratiques…
  • La démocratie locale est essentielle pour les transformations qu’il nous faut réussir,
  • Notre réinvention démocratique ne saurait se penser ex cathédra et qu’elle doit être à l’image du changement que nous voulons pour le monde,
  • Notre mouvement doit être force de propositions nouvelles sur cet enjeu du renouveau démocratique,

 MOTION :

Les membres du congrès réunis le 30/11/2019 à Saint-Denis approuvent :

1.       La mise en place d’un groupe de travail pour :

  • Actualiser notre vision des enjeux démocratiques en lien avec la transformation écologique et sociale, notamment pour renouveler les pratiques de la démocratie locale,
  • Formuler des propositions concrètes pour les projets que nous porterons dans les échéances électorales à venir,
  • Valoriser les pratiques inspirantes portées par les territoires, en particulier celles initiées par notre mouvement.

2.       Les modalités de ce groupe de travail seront :

  • La mobilisation du mouvement, en particulier le groupe sur la Réinvention,
  • L’interaction avec des acteurs œuvrant dans le champ de la transition démocratique,
  • L’organisation de journées d’études ouvertes,
  • La production d’un rapport devant le Conseil fédéral, fin 2020.

3.       Dans un second temps ce groupe de travail pourrait actualiser nos propositions dans le cadre d’un projet de 6ème république.

[1] Christiane Hessel, Claude Alphandéry, Edgar Morin et Patrick Viveret, l’archipel citoyen « Osons les jours heureux »

[2] Pierre Veltz, « La Grande transition : la France dans le monde qui vient »