Le Sénat va débattre le 31 janvier prochain d’une proposition de loi visant à « protéger les logements contre l’occupation illicite ». Ce texte, principalement issu d’un député de la majorité présidentielle, Guillaume Kasbarian, porte sur les impayés de loyer et le squat. Il a été approuvé avec le soutien seul du Rassemblement National à l’Assemblée nationale lors de sa première lecture en décembre. Nous, écologistes, exprimons notre opposition absolue à ce texte.

La coalition présidentielle a décidé de porter un projet résolument INUTILE : en 2021, les ministres de l’Intérieur, de la transition écologique et de la Justice reconnaissaient que les situations de squat « restent peu fréquentes ». Et pour cause : seulement 124 situations de squat sont recensées par l’Observatoire des squats, placé sous la responsabilité de la Ministre déléguée au Logement, tout en disposant par ailleurs déjà de moyens légaux pour résoudre ces situations.  La loi du 07 décembre 2020, dont M. Kasbarian était lui-même rapporteur et qu’il a votée, permet déjà l’expulsion sans jugement d’un logement « squatté ». Par ailleurs, à ce jour, les impayés de loyers représentent 2% de l’ensemble des locations, en stabilité même pendant la crise sanitaire, l’impayé représentant la dernière solution pour des locataires en difficulté. La très grande majorité des commandes de paiement et des injonctions de remboursement aboutissent. 

Il est frappant de constater à quel point cette proposition est INADAPTÉE pour résoudre la crise du logement. Les tensions sur le marché du logement n’ont jamais été aussi fortes. La fondation Abbé Pierre recense 4,1 millions de personnes mal logées et 300 000 sans-abris. Parallèlement, 3,1 millions de logements sont vacants selon l’INSEE, soit 8,3% des logements. En permanente augmentation depuis les années 70, la part du logement dans le budget des ménages les moins favorisés atteint aujourd’hui la moyenne insupportable de 40%, rendant les ménages particulièrement sensibles au moindre accident de la vie (perte d’emploi, maladie, divorces, etc.). En réponse à ces fragilités, des peines de prison sont proposées. Pour un squatteur ou un locataire en difficulté de paiement, de quelle façon une peine de prison lui permettra-t-elle de trouver un logement décent ou de recouvrir sa dette ? Cette proposition de loi engage la France dans une mauvaise réponse à une mauvaise question. L’enjeu aujourd’hui n’est pas de criminaliser les accidents de la vie, mais de proposer une offre de logements décents, à des prix permettant à tous les Français de vivre correctement. 

Cette proposition est fondamentalement INCOMPRÉHENSIBLE. Elle met en scène le cas, dramatique mais extrêmement rare, d’un petit propriétaire ne recevant plus ses loyers alors qu’il y compte pour vivre. Ce récit ne correspond pas à la réalité :  les impayés de loyers, 2% de l’ensemble des locations, sont la dernière solution pour des locataires en difficulté, et les échelonnements de dette aboutissent dans leur très grande majorité. Par ailleurs, 75% des logements en location en France sont détenus par des sociétés multipropriétaires. Cette proposition de loi se base donc sur un récit anxiogène et quasi-fictif. 

Cette proposition de loi est surtout INACCEPTABLE du point de vue de la justice sociale et réussit à faire l’unanimité contre elle : les associations de défense des locataires, la fondation Abbé Pierre, Olivier Klein, Ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé de la Ville et du Logement, et même la Défenseure des Droits. Les écologistes rappellent avec force que, malgré la promesse du président Macron en 2017 (“ La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus”), nous constatons tous la funeste réalité : le gouvernement vient d’être mis en responsabilité par la ville de Strasbourg, et par d’autres villes, pour sa défaillance à héberger les personnes à la rue. A ce sujet, nous saluons l’engagement extraordinaire des maires écologistes et de l’ensemble des collectivités qui, pour pallier les manquements de l’État, font de la solidarité et de l’accueil des piliers centraux de leur action.

EELV revendique le logement comme un droit fondamental. En période de particulière tension, le rôle de l’état doit être de conserver son rôle de protecteur des locataires, dans un juste équilibre avec le droit de propriété. A ce titre, et afin de garantir une meilleure justice sociale, le gouvernement doit muscler les dispositifs publics d’encadrement des loyers, de garantie de paiement des loyers impayés, et revaloriser le montant des APL

Ni la prison, ni la rue. Les solutions existent pour une meilleure justice sociale ! 

Pour le retrait de cette proposition de loi, pour un véritable droit au logement, manifestons dans toute la France !  Samedi 28 janvier 2023 – A Paris/IdF : Rendez-vous place de la Bastille à 14h

Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-parole
La commission Habitat et Urbanisme d’EELV