Exposé des motifs

Depuis une trentaine d’années, des politiques ouvertement ou d’inspiration néolibérales ont affaibli les outils de défense des plus fragiles que sont les services publics et la protection sociale.

Au cœur du programme du Conseil National de la Résistance (CNR), les services publics devaient lutter contre la misère et les inégalités qui contribuèrent à la formation des régimes totalitaires et au déclenchement de la seconde guerre mondiale. Ils devaient aussi assurer le développement des territoires, à niveau égal, en partageant les coûts. Il nous est difficile d’imaginer ce que notre société, divisée et brisée au sortir de la guerre, serait devenue sans l’action des services publics, comme il nous est difficile d’imaginer aujourd’hui ce que serait, sans école et sans santé publiques par exemple, notre société où les inégalités sociales et économiques sont revenues au niveau d’avant-guerre.

Ils devaient aussi assurer le développement des territoires, à niveau égal, en partageant les coûts.

Défendre les services publics est aujourd’hui une nécessité, tant les politiques publiques des gouvernements successifs les ont affaiblis et tant ils sont indispensables à la qualité du vivre ensemble.

A cet égard, il est significatif que la montée de l’abstention et du vote pour l’extrême droite, s’observent principalement dans les zones rurales et les zones péri-urbaines délaissées et dans lesquelles les services publics ne sont plus en mesure d’assurer leurs missions ou ont disparu.

Les compétences et périmètres d’actions des services publics ne peuvent se limiter aux fonctions régaliennes de l’Etat (administration, finances publiques, police, justice…). Les services publics ont un rôle essentiel pour assurer l’égale présence et qualité des services techniques et sociaux, dans tous les domaines où les différences techniques, économiques, environnementales, culturelles ou sociales entraînent une discrimination. L’égal accès aux besoins humains fondamentaux fait aussi partie de leur mission.

Education, santé, protection sociale, transports (infrastructures routières et ferroviaires), activités culturelles, nature et environnement, eau, énergie, communication… sont autant de secteurs d’activités qui relèvent de missions d’intérêt général. Lorsqu’ils sont exercés par la puissance publique, ils ne peuvent être soumis aux seuls impératifs de rentabilité du secteur marchand.

La réduction des dépenses publiques ne peut être une fin en soi. Le dernier rapport de la Cour des comptes (février 2015) peut à cet égard être qualifié de « rapport à courte vue ». Sa vision purement comptable, dénoncée par la députée Eva Sas, est dépourvue d’analyse globale et ne prend pas en compte la qualité du service et le bien-être apporté aux citoyens.

Par exemple, substituer aux trains inter-cités des transports par cars, comme le préconise la Cour des comptes, au prétexte que les liaisons routières sont moins coûteuses, est contraire à l’intérêt des citoyens et à l’intérêt général : trajets nécessairement plus longs, abandon d’infrastructures ferroviaires existantes, efficience économique moindre, non prises en compte des conséquences environnementales (pollution de l’air)…

En tant qu’écologistes nous avons conscience de la nécessité de préserver et d’utiliser équitablement l’air, l’eau, les sols, la biodiversité, biens communs fondamentaux nécessaires à la vie. De la même manière, les biens sociaux fondamentaux visant à satisfaire un besoin d’intérêt général doivent relever de la compétence de la collectivité publique afin d’être préservés et utilisés équitablement. En conséquence, des activités comme l’éducation, la santé, la protection de la nature et de l’environnement, la culture, les transports, l’énergie, les télécommunications –- doivent demeurer sous maitrise d’ouvrage publique et doivent pouvoir déroger à l’exigence de rentabilité financière,  ).

Aussi, le cadre dans lequel les services publics ont été conçus à l’origine doit être redessiné. Les biens communs ne sont plus seulement sociaux et économiques, ils sont aussi écologiques avec la raréfaction des ressources, la perte de biodiversité, le réchauffement climatique et la pollution.

Pourtant, c’est une politique à rebours que mènent l’Union Européenne et les gouvernements successifs dans notre pays depuis 30 ans, au prétexte que le profit ne peut croitre que si les coûts sociaux (sécurité et protection sociale, services publics) diminuent.

Alors même que les conséquences de la crise de 2008, liée à la dérèglementation des marchés financiers, ont pu être amorties dans notre pays grâce à un système de protection sociale conservant encore quelques acquis, la leçon n’a pas été comprise en Europe. L’Union Européenne a réaffirmé son orientation néolibérale et décidé d’imposer aux Etats membres des politiques d’austérité très sélectives (austérité pour l’immense majorité, privilèges et rentes économiques garantis pour une infime minorité).

Le projet de traité transatlantique (TAFTA…) s’inscrit pleinement dans cette optique en voulant d’une part, faire disparaître les normes de protection sociales, sanitaires, alimentaires et environnementales et d’autre part, instaurer des tribunaux d’arbitrages privés permettant à n’importe quel investisseur de contester toute mesure constituant un obstacle à la réalisation de son profit attendu. Ces obstacles, on les connaît, ce sont les normes et les services publics garants des protections sanitaires et sociales et de l’accès égalitaire de toutes et tous aux biens et services communs.

En France, les services publics ont été considérablement affaiblis depuis 2002 sous la Droite et plus encore par les 5 ans de restrictions menées sous N. Sarkozy dans le cadre de la RGPP. Mais la casse des SP avait commencé bien avant, sous la Gauche, dès 83 sous Mitterrand et surtout sous le Gouvernement Jospin (1997-2002), grand privatiseur. Le pacte de responsabilité, le plan de restriction de 50 milliards d’euros de la dépense publique dans le cadre du CICE, voulues par l’actuel gouvernement sont venus renforcer le désengagement de l’Etat. La réforme territoriale affaiblit plus encore les services de proximité et renforce les inégalités dans les territoires. C’est comme si l’objet d’un territoire n’était plus de satisfaire aux besoins de proximité des habitants mais de répondre aux exigences de rentabilité des capitaux.

Par exemple, les Services de l’Equipement comme de l’Agriculture ont été disloqués, regroupés, leurs missions ont été transférées pour partie aux Collectivités voire aux chambres syndicales : ils en sont réduits à une instruction hors-sol, incompétente, ainsi qu’à un contrôle post théorique, « administratif ». Les petites communes ont perdu leur assistance technique de proximité, les grandes développent leurs propres Services, toutes font appel aux bureaux d’étude privés, à grand renfort de subventions publiques. . Les hôpitaux et maternités de proximité sont démantelés. Le service public est abandonné au profit de la marchandisation des services ,les partenariats publics privés, promus par ce même gouvernement quoiqu’intrinsèquement contestables, pèsent sur les finances publiques.

Il est temps de réagir et de retrouver le sens du collectif. Biens communs au service de l’intérêt général, modes de gestion intégrée aux plans technique et budgétaire, outils de péréquation territoriale, de protection des plus faibles et de réduction des inégalités, les services publics doivent être préservés, rénovés et développés.

Reconquérir puis refonder les services publics pour le 21e siècle, c’est l’engagement qu’a pris le Collectif de défense et de développement des services publics. Regroupés dans une Convergence nationale, citoyen-ne-s, élu-e-s (dont de nombreux élu-e-s écologistes via la FEVE), syndicalistes et partis politiques (dont EELV) se proposent, 10 ans après la manifestation de Guéret en 2005, d’alerter l’opinion publique sur la situation de dégradation des services publics et de rappeler leur utilité de plus en plus criante à mesure que la crise perdure.

La Convergence nationale souhaite organiser les 13 et 14 juin à Guéret (Creuse) un grand rassemblement, associant les nombreux collectifs locaux de défense, de développement et de rénovation des services public qui soit à la fois une fête et un événement national. La manifestation serait suivie de la mise en place d’ateliers, d’une conférence théâtralisée puis d’un spectacle ou d’un concert.

Cette journée sera suivie à Paris mi-juin 2016 des Assises pour la défense, le développement et la rénovation des services publics, devant aboutir à la rédaction d’un Manifeste pour les services publics au 21e siècle dont les grandes orientations sont d’ores et déjà en discussion dans les collectifs locaux.

Il est essentiel que notre mouvement prenne toute sa place dans cette dynamique.

Motion

Aussi, le Conseil Fédéral :

  • Souhaite qu’EELV appelle et participe à la marche et au lancement du processus des Assises pour la défense, la rénovation et le développement des services publics de Guéret les 13 juin et 14 juin 2015,
  • Constitue un groupe de travail, en lien avec les commissions, pour travailler avec les conseiller-ère-s fédéraux et les parlementaires qui le souhaitent à formuler des propositions pouvant s’intégrer au Manifeste des services publics pour le 21e siècle et qu’EELV participe aux Assises qui se tiendront mi-juin 2016 à Paris.
  • Demande d’ores et déjà aux parlementaires EELV la plus grande attention aux effets des réformes législatives et de la politique dite de Modernisation de l’Action Publique, (clône de gauche de la RGPP de droite) sur le maintien des Services publics existants, en termes de missions, organisations et moyens ;
  • Demande d’ores et déjà aux parlementaires EELV la plus grande attention aux effets des réformes législatives et de la politique dite de Modernisation de l’Action Publique, (clône de gauche de la RGPP de droite) sur le maintien et le développement des Services publics existants, en termes de missions, organisations et moyens .

Unanimité pour.

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