Motion de cadrage

Exposé des motifs

Etats généraux des migrations, convention nationale des migrations de Grande Synthe, actions petites et grandes, les acteurs dans leur très grande diversité sont mobilisés autour du sujet des migrations qui n’est pas juste un sujet mais le sujet qui recouvre l’ensemble des questions et surtout les réponses que nous écologistes portons. Notre position sur cette question découle d’une vision spécifique à l’écologie politique : celle d’un monde qui forme un tout par-delà le quadrillage national, et dont les parties se doivent d’être solidaires du fait d’un destin inévitablement partagé. Nous sommes très nombreux à agir parmi ces associations, organisations laïques ou religieuses, avec les avocats, chercheurs, élu.es, citoyen.ne.s etc. 

L’ambition de l’écologie politique est de faire humanité dans un monde commun. La conception actuelle des frontières est dépassée, et il nous faut porter de nouvelles propositions sur les migrations pour répondre aux enjeux politiques, éthiques et environnementaux de demain. Le droit à la mobilité de chaque individu est l’horizon vers lequel tendent ces propositions, qui visent à organiser de façon plus juste la circulation, l’accueil et l’insertion socio-économique des personnes.

Droits humains et droit de la nature sont indissociables, l’urgence de la situation environnementale et humaine nous impose sur ce terrain d’allier mesures immédiates et vision à long terme. C’est pourquoi cette motion conjugue objectifs et moyens, nous avons besoin d’une boussole pour garder en vue notre cap et des mesures concrètes pour avancer dans la direction du vivre ensemble. 

Les migrations, un sujet emblématique de l’écologie politique :

Les mouvements de population sont complexes et leurs causes sont multiples, comme le montrent les travaux de recherche (Wihtol de Wenden, Gemenne…) ainsi que l’expérience des associations de terrain. Le cadre juridique actuel qui protège les réfugié.e.s n’est plus adéquat pour tenir compte de la complexité de mobilités liées aux injustices environnementales et climatiques, économiques et sociales, politiques, et également aux discriminations sexistes et celles contre les personnes LGBTQI.

Parler de migrations, c’est parler de l’ensemble de ces enjeux à l’échelle non pas transnationale mais mondiale, puisque la spécificité de l’écologie politique réside dans le dépassement du repli derrière des frontières et des préférences nationales que cela engendre. La politique européenne des migrations est par conséquent liée à l’ensemble des politiques dont les impacts ont des répercutions mondiales comme celles relatives à l’agriculture, la pêche, les échanges économiques, à l’énergie, etc. Notons au passage que la volonté des dirigeants à s’attaquer aux « racines » de la migration afin d’endiguer les départs devrait se manifester tout d’abord par une analyse des impacts des politiques commerciales et économiques menées au national et à l’international sur l’équilibre des pays partenaires et sur le degré des inégalités Nord/Sud.

Face à ces enjeux, à cette crise de l’accueil des réfugié.e.s qui risque de devenir chronique, l’Union européenne doit prendre sa part, comme le font déjà les citoyen.ne.s Européen.es qui soutiennent les migrant.e.s, malgré les poursuites qu’ils et elles encourent pour délit de solidarité. La solidarité entre les états membres est indispensable pour assurer l’accueil. Les états concernés doivent abolir le délit de solidarité.

Enfin, notre approche des migrations implique de changer notre rapport à « l’autre » par une transformation des imaginaires, des cultures et à terme des formes d’organisation politique. Considérer qu’il n’y pas deux camps, « eux et nous », mais un seul : « nous tous » car nous sommes tou.te.s sur le même bateau ! Il faut traduire notre relation mutuelle sous forme d’un contrat social régi par un principe de réciprocité et non uniquement un lien d’assistance induisant un rapport de subordination entre celui qui donne et celui qui reçoit. Ce parti pris vertueux où l’égalité des droits s’impose, garantit la dignité et la liberté de tou.te.s.

Motion

L’écologie politique propose une nouvelle approche des mobilités, à l’échelle mondiale.

Elle constitue ainsi une véritable alternative pour une politique européenne des migrations, qui ne se réduirait pas à une coopération sécuritaire et la négociation d’accords avec les pays du sud pour sous -traiter le travail de garde frontière, mais tiendrait compte des impératifs de fraternité, de justice et des contraintes que le changement climatique fait peser sur les populations.

  1. L’Europe ne doit pas être une forteresse, mais au contraire tendre vers l’ouverture des frontières. La libre circulation des personnes doit être facilitée. L’Europe doit garantir de façon urgente et immédiate des moyens légaux d’accès au territoire non seulement pour les personnes en demande de protection internationale (visas humanitaire), mais aussi pour les étudiants, travailleurs, visiteurs etc.… Cela entraine des pratiques discriminatoires et injustes auxquelles il faut mettre fin.
  2. La mise en place d’un titre de séjour européen résident.e extra communautaires doit permettre la libre circulation et libre installation des personnes étrangères au sein de l’Union européenne.
    Plus juste et plus efficace qu’une politique de quota, ce mécanisme permettra aux migrant.e.s de s’installer là où ils et elles disposent de davantage de chances d’insertion socio-économique. Les personnes migrantes doivent pouvoir accéder à l’égalité des droits et des devoirs sur le territoire Européen : droit de travailler, de résider, d’étudier, de se soigner, de payer des impôts… etc. C’est l’un des points majeurs revendiqué par les acteurs de la solidarité.
  3. Sortir de la logique sécuritaire qui régit actuellement les politiques migratoires.
    La question des migrations doit être dissociée de celle de la sécurité, d’un point de vue politique et budgétaire. L’obsession du contrôle des frontières a un coût financier et humain exorbitant. L’UE a considérablement augmenté les fonds destiné aux « migrations et à la gestion des frontières », mais ce budget priorise la sécurité. Le cadre financier pluriannuel de l’UE prévoit actuellement d’affecter 21 milliards d’euros au contrôle des frontières et seulement 10 milliards pour l’accueil et l’intégration des personnes migrantes. Nous devons nous inscrire dans une démarche visant tant la suppression de la rétention administrative que celle des dispositifs dévolus à l’externalisation en mouvement en Libye, en Turquie ou ailleurs. Une politique d’accueil efficiente doit passer par une réorientation des investissements vers des programmes visant à faciliter l’inclusion linguistique, sociale, économique et culturelle des personnes migrantes. Cette dissociation entre migrations et sécurité correspond également à un enjeu de représentation : l’association trop systématique des questions migratoires aux questions sécuritaires peut être un facteur explicatif du terrain gagné par la xénophobie et le climat de suspicion. Un climat qui contribue à attiser les tensions et fractures sociales, et ce y compris entre résident.es nationaux, indépendamment des distinctions entre résident.e.s nationaux et étranger.e.s.
  4. La Méditerranée est un espace commun aux pays de ses rives. Elle n’est pas destinée à être un cimetière pour les personnes abandonnées au naufrage, ni une prison …
    … pour celles et ceux que l’Europe voudrait « trier » avant de les débarquer. Les opérations de Frontex en Méditerranée doivent assurer la sécurité des personnes et le droit d’accès au territoire notamment pour y demander une protection internationale (principe de non-refoulement).
     
  5. Le cadre juridique, et notamment la protection internationale doivent prendre en compte la complexité des migrations forcées …
    …afin d’assurer une protection effective des personnes en situation de détresse, que leurs causes soient politiques, environnementales, sociales ou économiques. Les définitions actuelles de l’asile sont devenues l’instrument juridique d’un tri illégitime entre les détresses. De nouveaux droits doivent être créés pour les personnes qui ne relèveraient pas du droit d’asile.
     
  6. L’Europe doit assumer ses responsabilités dans la prise en charge des personnes ayant besoin de protection internationale.
    Un tiers des 25 millions de réfugié.e.s enregistrés par le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugié.e.s (HCR) se trouve dans 5 pays : Turquie, Ouganda, Pakistan, Liban, Iran. L’Europe doit mettre en œuvre une politique volontariste d’aide afin de garantir les droits fondamentaux de tous et donc aussi des réfugié.e.s, en particulier en matière d’éducation (la moitié des enfants ne sont actuellement pas scolarisés), d’accès à la santé et à une vie décente. Elle doit également, dans la démarche de coopération internationale adoptée au niveau des Nations-unies, participer de façon effective aux programmes de relocalisation des réfugié.e.s (relocalisation qui doit être consentie et non subie par les intéressés).
     
  7. La solidarité entre les Etats membres de l’Union européenne est indispensable pour assurer l’accueil.
    Il est urgent de mettre fin au fonctionnement actuel du règlement Dublin III, qui détermine l’État responsable d’une demande d’asile et fait peser l’essentiel de cette responsabilité sur les Etats frontaliers. Le fonctionnement actuel de ce règlement Dublin III est incompatible avec une protection effective des personnes, il génère des inégalités entre les Etats membres, et une grande violence contre l’ensemble des migrant.e.s. Afin de soutenir ces migrant.e.s, un fond européen décentralisé sera créé (de type FEDER) pour soutenir les collectivités d’accueil territoriales.
     
  8. L’aide au développement doit viser à réduire les inégalités Nord/Sud, et non à empêcher les migrations.
    L’Union européenne alloue une part croissante des budgets de l’aide au développement à des actions concernant le contrôle des migrations, comme la formation et l’équipement de forces de police. L’aide au développement doit viser avant tout au développement, et permettre la réduction des inégalités Nord/Sud. La coopération en matière de contrôle migratoire avec des gouvernements responsables de persécutions contre leur population sont contraires au droit international et à l’éthique. Le Processus de Khartoum par exemple, qui implique notamment un partenariat avec le Soudan, doit être interrompu. Il convient au contraire de soutenir les initiatives visant à la démocratisation et à la lutte contre l’impunité, par exemple au sein de la Cour Pénale Internationale.

    L’impact des politiques commerciales et économiques de l’Union européenne, des politiques nationales et locales sur l’équilibre des pays partenaires doit être évalué, en matière d’agriculture, d’énergie, d’exportation et importation etc.. En particulier, les accords de partenariat renforcés négociés notamment avec les pays du sud de la Méditerranée et les pays frontaliers des régions ultrapériphériques doivent s’accompagner d’une liberté de circulation des personnes et de mesures pour réduire les inégalités. 
  9.  La bataille culturelle pour changer les imaginaires est primordiale.
    C’est une préoccupation des états généraux des migrations. Aussi le soutien aux chercheurs et la publication de leurs résultats sur l’intérêt économique, culturel, social et sociétal à l’accueil de non-européens, est un levier pour sortir des représentations erronées et objectiver l’intérêt et les conditions de réussite d’une politique d’accueil.

Enfin, nous avons tissé avec nos partenaires et amis (associations, mouvements humanistes, organisations, etc.) des liens de confiance.

Etre clair sur nos objectifs politiques est essentiel pour conjuguer nos énergies, pour rétablir ensemble le droit de vivre à nos concitoyen.ne.s migrant.e.s dans le respect de leurs particularités : hommes, femmes, familles, enfants et personnes âgées. Nous écologistes sommes capables de courage politique, à nous de porter une vision ambitieuse au sujet des migrations dont celles vers l’Europe. Notre vision doit être à la hauteur des enjeux.

Unanimité moins un blanc

 

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