Depuis le début de la crise, on enregistre un surcroît d’épargne de plus de 200 milliards d’euros. Le gouvernement envisage de diminuer la fiscalité sur les donations pour que cette épargne serve la consommation de ménages plus jeunes. Une mesure de relance aveugle de la consommation, et qui creuserait encore les inégalités. L’épargne accumulée doit au contraire servir l’économie locale, les produits respectueux de l’environnement et la rénovation thermique.

Depuis mars 2020 jusque fin 2021, les ménages français devraient avoir épargné plus de 200 milliards de plus que ce qu’ils auraient mis de côté en temps normal, selon la Banque de France. La mobilisation de cette épargne est un enjeu majeur au moment où les finances publiques sont lourdement grevées par les dépenses liées à la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales.

Cette épargne est essentiellement le fait des ménages aisés. En effet, selon le Conseil d’Analyse Économique, « près de 70 % du surcroît de l’épargne ont été faits par les 20 % des ménages les plus riches ». Les ménages les moins aisés se sont au contraire endettés pour continuer à payer leur loyer et leurs dépenses courantes.

Le gouvernement envisage d’alléger la fiscalité des donations dans l’objectif de transmettre cette épargne aux jeunes générations pour encourager leur consommation. Mais cette mesure accroîtrait les inégalités, en allégeant, de fait, la fiscalité de l’héritage pour les familles aisées, alors même que les inégalités se sont déjà fortement accrues pendant la crise, et que les donations et héritages en sont le premier facteur en France. Elle encourage de plus de manière indistincte la consommation, sans favoriser l’économie locale, ni la transition écologique.

La priorité dans cette période doit être, bien au contraire, de réduire les inégalités, et donc a minima de rétablir une fiscalité juste sur les revenus de cette épargne accumulée. Car ce patrimoine ne dort pas, il génère des revenus supplémentaires pour les ménages aisés, et depuis la mise en place de la flat tax (prélèvement forfaitaire unique) à 30 % en 2018, ces revenus sont moins taxés que ceux du travail. La première étape doit donc être de rétablir la « barémisation » des revenus du capital, c’est-à-dire leur prise en compte dans le barème de l’impôt sur le revenu pour que revenus du capital et revenus du travail soient taxés de la même manière.

Il faut ensuite mobiliser cette épargne pour la transition écologique et l’économie locale.

D’une part, en finançant le chèque alimentaire proposé par la Convention Citoyenne, à partir des recettes nouvelles issues de ce relèvement de l’impôt sur les revenus du capital, c’est-à-dire un chèque qui permettra aux familles les plus modestes d’avoir accès à des produits alimentaires de qualité (bio, circuits courts, etc.), ou un écochèque, tel qu’il est mis en place en Belgique depuis plus de 10 ans, mais étendu aux bénéficiaires de minima sociaux et aux indépendant.es.

D’autre part, en lançant un grand plan de rénovation thermique des logements privés.  Le plan de relance prévoit 6,7 milliards d’euros pour la rénovation énergétique dont 2 milliards pour la rénovation des logements privés, sur deux ans. Ces montants sont notoirement insuffisants. Avec ce milliard supplémentaire, le budget des aides pour la rénovation thermique des logements privés n’atteindra qu’1,7 milliard d’euros en 2021[1]. Cela ne permet même pas de revenir aux 2 milliards qui étaient dépensés au travers du Crédit d’Impôt Transition Energétique en 2018[2]. Pour les seules passoires thermiques, l’Initiative Rénovons estime qu’il faudrait 3,2 milliards d’euros, chaque année jusqu’en 2040 pour y parvenir. L’objectif du gouvernement en la matière est d’ailleurs indigent : 80 000 passoires thermiques seraient rénovées en 2021 sur les 4,8 millions que compte la France. Or une grande partie de ces passoires thermiques sont dans le parc locatif privé : plus de 45 % des locataires du secteur privé occupent des logements aux performances énergétiques correspondant aux étiquettes F et G, contre 20 à 25 % des locataires du parc social ou des propriétaires occupants[3]. Ma Prime Renov’ a été ouverte aux propriétaires bailleurs et favorise les rénovations globales. C’est ce que préconisaient les écologistes depuis longtemps. Mais les montants restent très insuffisants, alors même que le surcroit d’épargne disponible rend la période particulièrement propice au lancement d’un grand plan de rénovation thermique du logement privé.

Les mesures prises en cette sortie de crise ne peuvent pas être seulement conjoncturelles. Elles doivent engager la France sur le chemin de la transition écologique. La mobilisation de l’épargne doit servir cet objectif.

Eva Sas et Alain Coulombel, porte-paroles