Exposé des motifs :

Depuis vendredi 11 janvier, la France mène une intervention militaire au nord du Mali, d’abord par voie aérienne, puis désormais avec l’engagement de troupes au sol. Cette intervention, compréhensible et devenue inévitable, répond à l’appel du Président par intérim de la République Malienne, avec l’approbation de la communauté internationale et notamment des organisations régionales africaines (CEDEAO).

La responsabilité de ce conflit  tient à la décision d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Eddine, trois mouvements intégristes radicaux contrôlant le Nord-Mali depuis avril 2012 et d’ores et déjà suspectés de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, de lancer une offensive visant probablement la capitale malienne, Bamako, et menaçant la pérennité de l’État malien.

Elle est dans l’esprit de la résolution 2085 du 20 décembre 2012, qui prévoyait l’intervention d’une force pan-africaine. Elle est enfin perçue favorablement par la majorité du peuple malien et de la diaspora, conscients de l’impuissance et de la désorganisation des forces armées régulières maliennes – que plusieurs voix appellent d’ailleurs à éviter toute exaction contre des minorités vivant au Nord-Mali.

En tant que mouvement attaché à la prévention des conflits et à leur résolution pacifique, EELV considère que la guerre crée inévitablement de nombreuses destructions et affecte les populations civiles. Nous avons donc en tête à cet instant les douleurs et les souffrances de tous ceux qui sont impactés par les conséquences de ce conflit.  La guerre favorise la propagation des armes comme le montre l’enchaînement des conflits en Libye et au Mali, et ne peut donc en aucun cas constituer un moyen pour construire une paix durable. Elle n’est que l’ultime recours lorsque toutes les solutions négociées ont échoué. Elle ne doit se poursuivre sans un cadre et un vocabulaire précis, à définir avec la représentation parlementaire nationale française, l’État malien et tous les partenaires internationaux. Elle doit également s’accompagner d’un dialogue entre l’ensemble des Maliens, avec l’aide de la communauté internationale, pour aboutir à une solution de paix durable.

L’intervention française a permis d’arrêter la progression d’une coalition de mouvements fondant leur hégémonie sur la force militaire et des exactions imposées aux populations locales : mutilations, exécutions publiques, viols, raids dans les villages pour enrôler de force des mineurs, prises d’otages, etc.

Cette intervention présente cependant des risques certains :

Le risque d’apparaître comme une énième intervention militaire française en Afrique, environ la 50e depuis les indépendances de 1960. Le risque pour la France de sembler défendre des intérêts économiques et stratégiques contestables.

Le Nord du Mali, contigu du Niger où la France tire via Areva une part substantielle de l’uranium consommé dans ses centrales nucléaires (3000 tonnes en 2012), est également considéré aujourd’hui comme un « Eldorado » par les majors du pétrole dont Total. Frontalier de la grande puissance pétrolière qu’est l’Algérie, il est un territoire également convoité pour le contrôle des nombreux trafics d’armes et de drogues qui s’y déroulent, habité par une multitude de groupes dont l’un, les Touaregs, vit surtout dans des régions désertiques riches en ressources extractives et entretient historiquement une relation conflictuelle avec l’Etat malien.

Le risque de voir se multiplier les lieux de conflits par un adversaire insaisissable dans l’ensemble du Sahara et du Sahel est déjà avéré (prise d’otages du site gazier d’In Amenas en Algérie).

Face à cette réalité, la capacité d’une force internationale à reprendre et contrôler durablement un terrain désertique immense sera impossible par la seule action militaire. Une paix durable nécessite d’ouvrir un dialogue avec l’ensemble des acteurs maliens voulant œuvrer à la reconstruction du pays.

Aujourd’hui, alors que l’intervention militaire est en cours, alors que le conflit s’étend en Algérie à la suite de la prise d’otages dans un complexe gazier, il nous semble important de réfléchir selon trois axes :

– les exigences politiques à porter concernant l’intervention militaire et les solutions politiques de sortie de crise,

– la gestion de la crise humanitaire qui prend chaque semaine des proportions plus alarmantes,

– le développement durable de l’ensemble de la région.

La nouvelle séquence ouverte par cette intervention armée, engagée par le Président de la République au nom de « la lutte contre le terrorisme » et pour garantir « l’existence même d’un État ami », doit en effet se transformer en opportunité pour aider de façon efficace le Mali à assurer son intégrité territoriale et à rétablir un fonctionnement démocratique stable, légitime et représentatif des composantes politiques de la vie malienne. Au-delà, elle doit permettre de poser des bases solides et saines pour un co-développement écologique au sein duquel l’exploitation des ressources extractives deviendrait progressivement marginale : il faut envisager conjointement le développement écologique du Sahel (plus largement de l’Afrique) et la transition énergétique en France. Les actions à entreprendre devront viser : la reconnaissance des droits des minorités, l’autosuffisance alimentaire, la sécurité sanitaire, la mise en place de solutions écologiques dans l’agriculture et l’industrie locale (à construire), le soutien aux initiatives de la société civile.

Les exigences politiques : La France doit poursuivre ses efforts diplomatiques pour transmettre le plus rapidement possible les opérations militaires ainsi que celles de police (maintien de la paix dans les zones libérées) aux troupes maliennes et africaines, avec des objectifs clairs et partagés au plan international. L’armée française n’a pas vocation à rester durablement au Mali.

La gestion de la crise humanitaire : selon l’ONU, on dénombrait avant le démarrage de la guerre 150 000 réfugiés maliens dans les pays voisins (Mauritanie, Burkina Faso, Niger et Algérie principalement) et 230 000 déplacés en interne. Ces chiffres grossissent depuis le déclenchement des hostilités : selon l’ONG Oxfam, plus de 30 000 personnes se sont déjà déplacées en une semaine ! Alors que la dernière saison des pluies a permis de bonnes récoltes en 2012, l’on craint désormais une crise alimentaire majeure dans les mois qui viennent. Certaines zones (les grandes villes, dont Bamako au premier plan) vont se retrouver en difficulté d’approvisionnement, et dans les régions où se déroule le conflit, de très nombreux paysans n’auront pas pu cultiver leurs champs (soit qu’ils aient été détruits, soit qu’ils aient dû les fuir). Par ailleurs, il s’agit très vite de mettre en place les conditions d’hébergement correctes pour toutes les populations ayant fui.

Le développement de l’ensemble de la région : la situation actuelle au Mali résulte aussi de l’extrême pauvreté régnant dans tout le Sahel. Loin de profiter à ses habitants, les richesses minières et gazières du sous-sol sahélien sont restées pour l’instant le monopole de grands groupes internationaux, qui – comme Areva au Niger – se sont contentés jusqu’à présent de reverser quelques prébendes à des politiciens peu vertueux. De même, les sommes – même insuffisantes – attribuées par l’aide internationale au développement n’ont pas toujours bénéficié aux populations auxquelles elles étaient destinées. Il est temps que l’ensemble de ces pratiques changent réellement et que le développement que nous appelons – solide, juste et écologique – puisse être réfléchi et mis en œuvre avec toutes les parties prenantes : la population malienne dans son ensemble, les collectivités territoriales maliennes, les partenaires du Nord.

Pour mener à bien cette reconstruction, nous bénéficions d’une solide histoire d’échanges, de partenariat et d’amitié entre nos deux peuples. Ainsi depuis plusieurs décennies, de nombreuses associations ont été créées par des Français et des Maliens de la diaspora pour participer au développement du pays. De nombreuses ONG françaises sont très investies dans plusieurs régions maliennes. De nombreuses collectivités territoriales françaises et maliennes se sont engagées dans des programmes de développement solidaire. Enfin, la diaspora malienne en France est la première contributrice de l’aide au développement de son pays.

 

Motion :

Le Conseil Fédéral d’EELV, réuni les 19 et 20 janvier 2013 :

– approuve l’intervention militaire française au Mali qui a permis d’arrêter la progression d’une coalition de groupes armés fondant leur hégémonie sur la force militaire et des exactions imposées aux populations locales. La guerre est ici le résultat d’échecs politiques successifs ;

 – rappelle que le programme d’EELV préconise la prévention des conflits ;

– salue la décision de la Cour pénale internationale d’enquêter sur l’ensemble des violations graves des droits de l’homme commises au Mali depuis le 1er janvier 2012 ;

– demande au gouvernement français de réfléchir à des propositions pour que la communauté internationale puisse également favoriser l’élucidation de l’ensemble des exactions commises au Mali depuis 1960 ;

– regrette que l’UE ne se soit pas dotée d’une capacité à intervenir collectivement dans le cadre du droit international.                                                                                                                                                                                                                     ajoutregrette que l’UE ne se soit pas dotée d’une capacité à intervenir colectivement dans le cadre du droit internationnal

    • Demande au gouvernement français :

– d’éviter tout discours belliciste, ainsi que toute terminologie connotée, susceptible d’entrainer des amalgames dangereux.

– de rendre compte régulièrement au Parlement :

  • – des objectifs à court et moyen terme de l’intervention militaire française ainsi que de ses efforts diplomatiques pour aboutir  à une force militaire internationale sous commandement africain, comme le prévoit la résolution 2085 du Conseil de Sécurité de l’ONU ;
  •  – du déroulement du conflit, avec une attention toute particulière au transfert d’armement et au type d’armes utilisé sur le terrain ;

 – de tout faire pour réduire au maximum l’impact des opérations militaires sur les infrastructures vitales pour l’approvisionnement des habitant/es du Nord-Mali ;

 – d’éviter toute pollution environnementale (notamment sur les ressources en eau) ;

 – de s’interdire l’utilisation d’armes à uranium appauvri ;

– de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire ;

– de mettre en œuvre un moratoire suspendant les procédures d’expulsion engagées à l’égard des Maliennes et des Maliens sans-papiers ;

– de faciliter, dans une démarche solidaire et humanitaire, plutôt que sécuritaire, l’obtention de visas des réfugiés et migrants maliens en France, en lien avec l’ambassade malienne et les différents consulats sur notre territoire, et celle des titres de séjour sans que leur nombre soit inclus dans l’objectif des 30 000 régularisations annuelles ;

 – de permettre une information libre par les médias qui couvrent le conflit au Mali dans les territoires qui sont sous son contrôle ;

 – d’engager avec tous nos élus l’évolution du droit français et européen pour une responsabilité sociale et environnementale (RSE), contraignante, des entreprises transnationales extractives ou non, en promouvant les initiatives parlementaires en cours ;

 – de respecter les engagements internationaux réitérés en matière d’Aide et de Coopération publique au développement.

   • Demande au gouvernement français ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires nationaux et européens :

– d’entamer dès à présent des consultations avec des représentant/es de l’Etat malien, du Parlement malien et de l’ensemble des communautés du Nord et du Sud du Mali. Il s’agit de préfigurer les garanties internationales qui pourraient être données au lendemain du conflit pour une refondation des institutions maliennes (à la légitimité discutable) posant la question de l’autonomie effective des groupes qui y aspirent ;

 – de préparer avec l’UE et la communauté internationale un plan de développement ambitieux pour les populations des pays du Sahel, en particulier la reconstruction de leur souveraineté alimentaire.

– de prendre l’initiative auprès des Nations Unies de la mise en œuvre urgente d’une conférence pour la paix, pour commencer dès aujourd’hui à mettre en place les conditions d’un retour à la démocratie avec une feuille de route  intégrant le calendrier de l’élection du président et du parlement. 

  • Demande à l’Union européenne

   – de mettre en place de toute urgence une plate-forme d’aide financière et logistique aux ONG internationales et maliennes travaillant sur place pour venir en secours aux populations civiles frappées par la guerre et notamment aux réfugiés et déplacés du nord du Mali ;

  – de prévoir la mise en place de structures permettant l’envoi d’hôpitaux de campagne avec notamment des personnels formés à la prise en compte des viols de guerre.

  – d’œuvrer à la mise en place d’un espace politique et de développement : Afrique-Europe en lien avec les sociétés civiles.

 • Demande au Bureau exécutif

  – d’engager EELV (parti, élu/es locaux et régionaux, parlementaires nationaux et européens, en lien avec des partenaires sahéliens et notamment maliens, dans l’élaboration d’un plan européen de développement territorial écologique pour les pays du Sahel,

• Décide

– de créer un groupe de travail sur le Mali, réunissant des membres de la commission transnationale, des élu-es territoriaux, des parlementaires en charge du dossier, coordonné par les responsables de la commission transnationale et du Bureau Exécutif.

 – d’appeler les élus EELV des grandes collectivités territoriales françaises engagées dans des actions de coopération décentralisée avec le Mali à organiser des Assises de la reconstruction avec leurs partenaires habituels (collectivités territoriales maliennes, ONG, OSIM: associations de solidarité internationale créée par les migrants) dans les meilleurs délais.

pour : 39 ; contre : 11 ;  abstentions : 6

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