Exposé des motifs :

La crise bancaire et financière, déclenchée en 2007, a entraîné une crise économique et sociale d’une ampleur sans précédent. L’existence d’États ou de territoires à fiscalité très basse conjuguée à une opacité fiscale et financière a contribué à la vulnérabilité du système financier international. En favorisant le mouvement incontrôlé des capitaux spéculatifs et la mise en circulation de produits financiers toxiques, en facilitant la création d’une comptabilité hors des bilans des banques, ces paradis fiscaux ont encouragé la prise de risque. Ils ont privé les régulateurs de leur capacité à identifier les failles du système.

Quatre critères caractérisent les paradis fiscaux : impôts inexistants ou insignifiants, absence de transparence, législation empêchant l’échange d’informations avec les autres administrations et enfin tolérance envers les sociétés – écran ayant une activité fictive. Ces paradis fiscaux sont utilisés par de grandes entreprises multinationales, « conseillées » par des officines spécialisées, pour y pratiquer l’évasion fiscale.

Les banques, à travers le nombre important de filiales qu’elles y ont implanté, et les fonds spéculatifs sont sur représentés dans les paradis fiscaux. Ils utilisent les avantages offerts par ces Etats et territoires pour leurs clients mais aussi pour leur propre compte. Le secret bancaire et l’anonymat organisé grâce à l’opacité juridique permettent aux banques et autres fonds spéculatifs de faire fructifier, à l’abri du fisc, le patrimoine de leurs riches clients, mais aussi d’offrir des services « d’optimisation fiscale » aux multinationales. C’est d’ailleurs la raison invoquée par les banques quand on leur demande de s’expliquer sur leur présence dans les paradis fiscaux : elles disent répondre à la demande de leurs clients…

Ce système prive les autres États de ressources qui auraient pu être affectées à des politiques visant à engager la transition écologique, condition pour combattre les inégalités sociales. Et au grand jeu de la globalisation financière, les salariés et les PME ne sont pas les seuls perdants. Les Etats et les collectivités locales sont directement impactés avec un important manque à gagner en termes de recettes fiscales.

Dès juin 2010, le Conseil Régional d’Ile de France, à l’initiative du groupe EELV, introduisait dans son règlement budgétaire l’exigence de transparence financière de la part de ses partenaires bancaires et financiers. Cette disposition était un pas important dans la lutte contre les paradis fiscaux. 17 autres Conseils Régionaux ont, à leur tour, adopté une disposition similaire.

En décembre 2011, les sénateurs écologistes, conjointement avec les sénateurs socialistes déposaient un amendement au Projet de loi de finances rectificative 2011 visant à exiger la transparence de la part des établissements bancaires et financiers contractant avec l’État, et à instaurer l’obligation de comptabilité pays par pays pour tous les partenaires bancaires et financiers de l’État. Adopté par le Sénat, l’amendement était rejeté par l’Assemblée Nationale.

Notre projet « Vivre mieux – vers une société écologique » traçait la perspective : aller vers un monde solidaire et responsable passe par une nouvelle architecture internationale comportant la suppression des paradis fiscaux et judiciaires. Pour avancer dans cette direction notre projet proposait plusieurs mesures allant de l’extension de la directive UE sur l’épargne, au renforcement de la coopération judiciaire contre la fuite fiscale, l’étiquetage du contenu « fiscal » des produits financiers et bancaires, l’insertion de clauses « paradis fiscaux » dans les appels d’offre publics, adoption en France de l’équivalent de la loi Foreign Account Tax Compliant Act (FATCA – loi sur la conformité fiscale des comptes étrangers) votée aux Etats Unis en 2010.

Notre projet Vivre Mieux identifiait également la séparation capitalistique des métiers bancaires comme une condition indispensable de la transition écologique. En effet, il n’existe pas d’évasion fiscale sans la complicité d’une banque. Les filiales off-shore des grandes banques universelles françaises sont au nombre de 460. La banque universelle grève par ailleurs les comptes publics, outre le manque à gagner de l’évasion fiscale, par un refinancement régulier et à moindre coût auprès de la Banque Centrale. En plus du renflouement par le contribuable à chaque crise financière.

Pourtant, rien n’est simple, les obstacles rencontrés sur le terrain sont multiples. Les délibérations ou les vœux de nos conseils régionaux peinent à se décliner opérationnellement. Si aucunE vice présidentE chargéE des finances n’est écologiste, cette situation ne suffit pas à expliquer les difficultés à concrétiser de premiers résultats. Les obstacles peuvent être techniques : difficultés des services et même des élus, à trouver les modalités de mise en œuvre. Ils peuvent être liés à la crise du crédit bancaire aux collectivités : sa raréfaction peut inciter à ne pas « gêner » les rares banques qui prêtent encore aux collectivités. Ce doute, tout à fait pragmatique, existe aussi, et c’est compréhensible, parmi nos éluEs. Enfin, il existe des réticences moins palpables, qui s’appuient de manière plus ou moins implicite sur l’idée qu’un pot de terre ne peut faire grand-chose contre un pot de fer.

Sur proposition des élus régionaux EELV membres de l’AG de l’Association des Régions de France, celle-ci a décidé en 2011 de mutualiser les démarches des Régions en faveur de la transparence financière. Cette décision n’a toutefois pas connu le moindre début de mise en œuvre fin décembre 2012. La volonté politique de l’ARF de mettre en œuvre sa décision reste à prouver.

Un amendement au PLFR 2012, identique à celui de 2011, a été déposé par le groupe EELV du Sénat le 14 décembre. Il a été refusé par le Ministre du Budget, Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas, bien sûr, un signal politique positif. La volonté politique du gouvernement de s’attaquer à la transparence financière du secteur bancaire reste à prouver.

Aujourd’hui il est possible, et souhaitable, d’engager une nouvelle étape sur le chemin difficile de la réduction du poids des paradis juridiques et fiscaux dans nos économies. Cette nouvelle étape suppose de mettre en cohérence l’action des élus écologistes dans les collectivités territoriales, à l’Assemblée Nationale, au Sénat, au Parlement Européen. Elle requiert une collaboration active tant avec les ONG engagées en France comme en Europe dans ce domaine, qu’avec les organisations syndicales françaises et européennes qui ont inscrit la lutte contre les paradis fiscaux à leur programme d’action, à commencer par la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics.

Le « kit anti paradis fiscaux » réalisé par la FEVE et destiné à aider les élus territoriaux et les services des collectivités à passer à l’acte est un outil utile pour avancer, mais il ne saurait suffire.

Parce que les questions de finance sont des questions politiques, rien ne se fera sans le soutien des citoyens et l’implication des éluEs, écologistes d’abord, et ensuite ceux des majorités auxquelles ils participent. En perspective des échéances électorales de 2014, il appartient aux écologistes d’agir pour constituer en enjeu politique cette question de la transparence financière pour libérer l’économie du poids des paradis juridiques et fiscaux. Ceci nécessite que la nouvelle étape à engager témoigne d’une plus grande coordination de l’action de tous : parti, élus régionaux, élus municipaux, parlementaires nationaux, parlementaires européens.

Motion : 

Le Conseil Fédéral :

• réaffirme l’engagement d’EELV à agir pour libérer l’économie du poids des paradis judiciaires et fiscaux ;

• réaffirme que cette action ne peut faire l’économie d’une vraie séparation banque d’affaire banque de dépôt s’inspirant du Glass Steagall Act ;

• mandate le COP pour mettre en place un groupe de travail transversal pour définir et mettre en œuvre une nouvelle étape de l’action des écologistes pour réduire le poids des paradis juridiques et fiscaux dans nos économies. Ce groupe de travail sera composé de membres du COP, de la commission économie et sociale, de la FEVE (notamment de la coordination des élus régionaux), de représentants des groupes parlementaires à l’Assemblée Nationale, au Sénat et au Parlement Européen, etc… Il sera ouvert aux expertises des ONG, OSI et organisations syndicales concernées ;

• soutient l’appel des maires écologistes pour la transparence financière et contre les paradis fiscaux en préparation pour les journées des élus municipaux qui se tiendront à Nantes en février 2013 et appelle d’ores et déjà tous les éluEs municipaux écologistes à le signer ;

• propose aux députés et aux sénateurs EELV :

1) de travailler à inscrire dans la loi de réforme bancaire présentée au Conseil des ministres le 19 décembre dernier :

– des dispositions favorisant notamment la transparence financières des banques, la mise en place d’une comptabilité pays par pays d’implantation, la création d’un étiquetage du contenu « fiscal » des produits financiers et bancaires ;
– de défendre une séparation capitalistique, opérationnelle et juridique, inspirée par le Glass Steagal Act, étant entendu que la filialisation des activités spéculatives ne résout pas le risque systémique porté par les banques universelles 

2) de préparer une loi de type FATCA à l’occasion d’une prochaine niche parlementaire ; 

• demande au COP de faire rapport de la mise en œuvre de cette motion au Conseil fédéral de mai 2013.

Adoptée a l’unanimité.

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