Ce 1er décembre, le Conseil de l’Union européenne, qui réunit les gouvernements des pays membres, a voté le texte définissant leur position commune sur la proposition de directive sur « le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité » publiée par la Commission européenne en février dernier. Celle-ci a pour objectif de rendre les entreprises responsables de l’impact de leurs activités sur les droits humains et l’environnement et de les contraindre à mettre en place des dispositifs pour veiller à leur respect.

EELV déplore que le texte de position adopté par les ministres manque profondément d’ambition. 

On peut, d’abord, déplorer que le champ des entreprises européennes concernées, déjà très restreint dans la proposition de la Commission car ne concernant que 1% d’entre elles, ait été réduit aux plus grandes. 

Ensuite, alors que dans sa version initiale la future directive est supposée s’appliquer à toute la chaîne de valeur de l’entreprise (fournisseurs, sous-traitants, filiales,…), elle ne concernerait plus que sa « chaîne d’activités », c’est-à-dire une liste extrêmement réduite d’activités dont sont exclues, entre autres, les ventes d’armes et de technologies de surveillance. Ce qui signifie qu’une société comme Amesys dont la Cour d’appel de Paris vient de confirmer la mise en examen pour complicité d’actes de tortures pour avoir fourni à l’ancien régime libyen le système de surveillance qui lui a permis de traquer ses opposants, échapperait au devoir de vigilance. Tout comme Siemens et TotalEnergie avec leurs méga projets dévastateurs en Australie et en Ouganda du fait de la mise à l’écart du champ d’application de la directive de quasiment toute la partie aval de la chaîne de valeur.

Enfin, une autre grave faiblesse du texte de position du Conseil est la quasi exclusion du secteur financier du champ d’application de la directive : non seulement ses obligations ont été considérablement réduites mais le choix est laissé aux Etats membres d’intégrer, ou non, ce secteur au champ d’application de la directive lors de sa transposition dans le droit national. Les banques n’auraient ainsi pas de réelle obligation de veiller à ce que leur argent ne finance pas des activités pouvant, par exemple, porter atteinte à la biodiversité ou aux droits des peuples autochtones à l’instar des 16 banques européennes, parmi lesquelles 5 des principales banques françaises, dont la dernière enquête du média d’investigation, Disclose, montre qu’elles financent la déforestation de l’Amazonie

EELV s’inquiète du rôle qu’a pu jouer la France dans l’adoption d’une position aussi faible par le Conseil. En effet, des documents et des témoignages publiés par la presse européenne montrent que, ces dernières semaines, pendant que le gouvernement proclamait publiquement son soutien à une directive ambitieuse, il était en même temps à la manoeuvre afin de limiter considérablement la portée du texte du Conseil sur plusieurs de ses points essentiels, y compris en menaçant de réunir une minorité de blocage. Ce double discours de la France lui avait déjà été reproché durant la présidence française de l’Union européenne (PFUE), Emmanuel Macron  ayant officiellement placé cette directive dans ses priorités sans que cela se traduise en actes significatifs.

EELV déplore d’autant plus ces manœuvres de la France qu’elles affaiblissent encore plus la proposition de directive de la Commission européenne qui présente déjà d’importantes carences.

Parmi celles-ci, EELV dénonce une approche et une définition beaucoup trop restrictives des atteintes aux droits humains et à l’environnement ainsi que l’absence  de  prise en compte réelle de l’urgence climatique.  

EELV regrette également la bien trop faible garantie d’accès à la justice et à la réparation pour les victimes, y compris le fait que la charge de la preuve repose encore sur ces dernières.

EELV exhorte la France, le pays de la loi pionnière de 2017 sur « le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre », à ne pas céder aux lobbies en persistant à vouloir vider la directive de sa substance. 

La France doit au contraire promouvoir et défendre une position ambitieuse au sein du Conseil avec le Parlement. Cette directive ne contribuerait ainsi pas seulement à la défense des droits humains au niveau mondial et à la fin d’une certaine impunité des multinationales, mais également à renforcer l’Union européenne et sa place et sa crédibilité dans le monde.

Chloé Sagaspe et Alain Coulombel, porte-parole
Les commissions Justice, Europe et Transnationale