Alors que le Ministère de l’Agriculture travaille à une Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles, le Sénat vient d’adopter une proposition de loi « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ». EELV s’oppose à cette proposition qui, à l’inverse d’offrir des solutions d’avenir pour l’agriculture et les personnes qui en vivent, s’enlise dans les erreurs du passé.

Depuis les années 1950, les politiques agricoles françaises et européennes ont favorisé une transformation profonde de l’agriculture. Les régions et les fermes se sont spécialisées. Les exploitations se sont agrandies en même temps que leur nombre et le nombre de producteurs chutaient d’années en années. Les investissements, en matériel, robotique ou intrants chimiques, se sont accrus.

Pour quels résultats ? En quelques dizaines d’années, les paysans.nes européens ont vu leur productivité augmenter considérablement. Mais, cette évolution se traduit par des revenus faibles, un endettement massif des exploitations, un nombre d’installations très insuffisant pour compenser les départs, la prévalence d’un mal-être qui conduit plusieurs dizaines d’agriculteurs et agricultrices au suicide chaque année, l’usage croissant d’intrants chimiques aux conséquences désastreuses sur l’environnement et leurs utilisateurs, l’épuisement des sols au détriment de la résilience de notre système alimentaire.

Cette politique est une impasse, et elle est dangereuse. Nous devons en changer !

La proposition de loi « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France » vise à améliorer la compétitivité-prix de l’agriculture française vis-à-vis des productions étrangères. Pour cela, toujours les mêmes mauvaises recettes. Plus d’investissement…alors que les exploitations sont déjà surendettées. Le stockage de l’eau et l’irrigation des cultures facilités…alors que nous devons collectivement repenser le partage de cette ressource. Un abaissement des mesures destinées à protéger l’environnement et les humains face aux dangers des pesticides…alors que les scandales se multiplient. Une absence de réflexion sur la dépendance du modèle agricole préconisé… alors que les engrais de synthèse sont massivement importés, tout comme les pesticides et une grande partie des protéines nécessaires à l’alimentation animale (soja, tourteaux de tournesol…). 

La proposition de loi prévoit notamment que l’ANSES n’évalue plus les pesticides sur leur seule dangerosité pour la santé et l’environnement mais prenne en compte les effets économiques sur le secteur agricole. Elle donne également pouvoir au ministre de l’agriculture de suspendre une décision de retrait du marché d’un produit que l’ANSES aurait évalué comme dangereux.  Qu’importe si un produit pénalise à long terme nos chances de vie terrestre en tuant les auxiliaires et les pollinisateurs ou s’il met en danger la santé des agriculteurs et agricultrices, tant qu’il y a de l’argent à faire tout de suite !

Cette proposition de loi vise ainsi à reproduire les erreurs du passé…en espérant quelle issue différente ? La compétitivité de la ferme France ne viendra pas d’une plus grande dégradation de la santé de l’environnement, de la société, des exploitations agricoles et des producteurs.trices. Elle ne viendra pas d’une compétition pour le moins-disant environnemental et sanitaire que nous devrons compenser, si ce n’est dans le prix direct des produits agricoles, a minima dans la poursuite de la hausse des dépenses de santé et de dé-pollution de l’environnement – pour des factures très lourdes. Au contraire, l’avenir est aux productions de qualité, adaptées et respectueuses de leur environnement et de la santé. Des productions qui permettent aux producteurs.trices d’être justement valorisés, et de vivre dignement de leur travail. Cet avenir est celui de l’agroécologie. Le protéger demande des politiques ambitieuses !

EELV s’oppose à cette proposition de loi considérant qu’elle oriente vers une aggravation de la situation de la ferme France. EELV considère que son étude au Parlement contrevient à la concertation publique menée en préparation de la Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles. EELV soutient une politique du mieux-disant et demande une protection de l’agriculture française face au dumping environnemental, sanitaire et social, avec la mise en place de mesures miroirs sur les importations, la fin des accords de libre-échange, l’affichage de la valeur environnementale et l’étiquetage de l’origine des produits alimentaires. EELV demande le respect du travail et de l’indépendance de l’ANSES. Enfin, EELV demande un engagement fort de l’État pour la transition écologique de l’agriculture et pour l’amélioration des conditions de travail et du revenu des producteurs.trices. La situation actuelle, déjà fort dégradée, et la protection de l’avenir, l’exigent.

Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-parole
La commission Agriculture et Ruralité EELV