Stocker en surface, avec le concours d’enveloppes publiques pharaoniques, de l’eau puisée l’hiver en prévision de l’été, voici la fuite en avant que défend sans relâche la FNSEA, à travers la voix de sa présidente Christiane Lambert*. Cette revendication récurrente, qui ne profite qu’à une poignée d’agriculteurs et entend confisquer notre patrimoine commun, est aussi relayée par le nouveau ministre de l’agriculture Julien Denormandie pour qui « pour permettre d’avoir l’eau l’été [il faudrait] capter l’eau de l’hiver. C’est aussi simple que cela, c’est le bon sens qui nous anime ». **

Cette posture revient, à grands renforts d’argent public, à se bercer de l’illusion que l’on pourra puiser indéfiniment dans les ressources naturelles sans conséquences, au mépris même des fondamentaux législatifs pourtant clairement énoncés dans la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) et le code de l’environnement.

 Alors que la sécheresse fait rage sur l’ensemble du territoire national et que le phénomène est en train de s’installer durablement et va très probablement s’aggraver avec les dérèglements climatiques, nous appelons les responsables politiques à prendre la mesure de l’urgence à agir réellement pour une transition agroécologique généralisée qui seule ouvre des perspectives durables pour tous.

De nombreuses recherches et expertises*** montrent que des systèmes et combinaisons de pratiques sont plus résilients face à la sécheresse mais aussi aux maladies. L’option « retenues d’irrigation » ne permettrait qu’à une minorité d’agriculteurs de poursuivre leur activité sans effort d’adaptation et seulement à court terme, laissant les autres sans solution. Il est essentiel et urgent d’opérer rapidement et massivement la transition agroécologique des fermes françaises, pour mieux réagir face aux dérèglements climatiques. 

Plutôt que de subventionner avec de l’argent public un système agricole productiviste qui encourage le gaspillage des ressources naturelles, il est de la responsabilité de l’État de mettre les bouchées doubles, de mobiliser ces enveloppes pour accompagner les agriculteurs dans la mutation des pratiques, pour développer une agriculture écologique contribuant à l’atténuation et à l’adaptation au réchauffement climatique. Il s’agit là de la seule voie crédible pour à la fois aider les paysan-nes, créer des emplois et respecter les limites planétaires : qu’attend le gouvernement pour passer enfin des discours aux actes ?

Eva Sas et Alain Coulombel, porte-paroles
Benoît Biteau
Commission Agriculture et Ruralité d’EELV

* Christiane Lambert était l’invitée du Grand entretien de France Inter, mardi 11 août 2020
** Déclaration du ministre, le 31 juillet, au micro d’Europe 1
*** Tribune du Monde du 8 août 2020 d’un collectif de scientifique  « Face à la sécheresse, les retenues d’eau artificielles, une solution de très court terme » ; « rapport d’information parlementaire sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau » du 4 juin 2020 ; rapport de 2018 de la Cellule d’expertise du CGEDD et du CGAAER relative à la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse, les préconisation de l’UNFCCC, de la FAO, les recherches de l’INRA, de SOLAGRO, les préconisations de l’ADEME, des agences de l’eau, des CIVAM…