La départementalisation des Outre-mers en 1946 est l’affirmation d’une égalité citoyenne entre le territoire national et ses anciennes colonies. Aussi bien en termes de droit, qu’en termes de justice.

Depuis plus de 15 ans, des associations antillaises lanceuses d’alerte n’ont de cesse de lutter pour une reconnaissance de l’empoisonnement en Martinique et en Guadeloupe par le chlordécone. Interdit aux États-Unis depuis 1976, ce pesticide est utilisé massivement aux Antilles jusqu’en 1990, autorisé par dérogations successives et par lobbying des grands producteurs de bananes. Malgré les affirmations du président Emmanuel Macron s’adressant aux élu·e·es locaux en 2019 sur le caractère non cancérogène du chlordécone, aujourd’hui la Martinique détient le triste record mondial de cancers de la prostate. 

La contamination quasi généralisée de la population antillaise, des sols, des littoraux par ce pesticide a des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales dévastatrices. La filière agricole, y compris les jardins familiaux, sources de nourriture et de revenus pour des foyers créoles aux revenus modestes, sont durablement empoisonnés. C’est tout un écosystème qui est impacté : la santé humaine, la chaîne alimentaire, la biodiversité, l’économie locale et les solidarités antillaises. 

Les manifestations des martiniquais·e·s et des guadeloupéen·ne·s témoignent d’une colère grandissante et d’un dysfonctionnement continu des relations de la France avec ses territoires d’Outre-mer. À cela s’ajoute le risque de prescription qui alimente le sentiment d’un traitement différencié et d’une justice à deux vitesses entre d’une part, une impunité des responsables politiques et économiques, et, d’autre part, une criminalisation inquiétante des militant·e·s écologistes antillais·e·s. Nous, EELV, soutenons le collectif des associations et exigeons la poursuite de l’instruction pour la dignité des personnes contaminées.

Si la commission d’enquête parlementaire a conclu à la responsabilité de l’État malgré la disparition de 17 années d’archives du Ministère de l’agriculture, le Plan Chlordécone IV démarre cette année jusqu’en 2027. L’information de la population et des professionnel·le·s de manière factuelle, transparente et durable doit être une des priorités. EELV demande davantage de clarté quant aux financements engagés pour répondre aux conséquences de cet écocide et de cette atteinte massive à la santé de l’ensemble des populations exposées au chlordécone sur ces deux territoires français.

Dans ce plan, sur les 92 millions d’euros alloués, jugés insuffisants par les associations, une enveloppe de 61 millions d’euros nécessite des précisions. Une partie serait issue de fonds européens que les collectivités devront solliciter. Habituellement, ces fonds servent à financer des infrastructures territoriales, et non à réparer la pollution causée par l’État français et par les responsables importateurs et utilisateurs du chlordécone.

À l’heure de la Loi Climat et Résilience, les troubles de fertilité et du neuro-développement des enfants exposés in utero liés aux pesticides (chlordécone, glyphosate…) qui brisent les corps aux Antilles, à la Réunion, avec en première ligne ceux des ouvrier·e·s agricoles, les cancers engendrés par les essais nucléaires en Polynésie que subissent les habitant·e·s. témoignent de violences sanitaires d’État envers les français·e·s d’Outre-mer. Les projets de création d’une centrale biomasse en Guyane ou encore celui de la montagne d’or, illustrent également la banalisation des impacts polluants tant sur les populations locales que sur la biodiversité.

L’exploitation prédatrice des ressources et la mise en danger des populations sont inadmissibles. EELV rappelle qu’il est temps de regarder en face la posture dramatique de la France vis à vis de ces régions ultra-marines qui représentent 80% de sa biodiversité. 

Il est temps d’arrêter cette normalisation de l’inacceptable dans les Outre-mers. Il est temps de mettre en œuvre au nom d’une véritable République des territoires, des solutions d’égalité réelle à la fois territoriale et entre les individus aux humanités disqualifiées et brutalisées depuis beaucoup trop longtemps. Il est temps de déployer une économie locale résiliente et l’éco-conditionnalité des aides publiques aux entreprises pour sortir d’un capitalisme toxique.

Afin de faire face aux différents défis de justice sociale et environnementale auxquels seront confrontés ces régions, il est temps de proposer un nouveau modèle de vie et un renouveau démocratique dans l’ensemble des départements d’Outre-mer.

Eva Sas et Alain Coulombel, porte-paroles
La Commission Outre-mer d’EELV