4. Des agricultures paysannes et une pêche familiale pour nourrir le monde

Boire et se nourrir sont les premiers besoins de l’être humain. La population mondiale vient d’atteindre 7 milliards d’habitant.e.s et atteindra 9 milliards en 2050. À l’heure actuelle, un milliard de personnes souffrent de la faim, et un autre milliard – dont nous faisons partie – sont en « suralimentation ».

Depuis trois décennies, les paysanneries du monde les moins bien équipées ont été livrées sans protection à la concurrence des grandes entreprises et des producteurs les mieux équipés et les mieux protégés du Nord. Avec, comme conséquences, le blocage du développement et l’appauvrissement de la majorité de la paysannerie, l’exode vers les bidonvilles, les vagues de migrations déstabilisantes, les frustrations, les ressentiments et les dérives d’une partie de la jeunesse, qui nourrissent l’instabilité politique et l’insécurité militaire.

Les émeutes de 2008 et les flambées de prix récurrentes sont de fait consubstantielles au système libre-échangiste mondial : ruine des petites paysanneries livrées à la concurrence des surplus mondiaux et à la spéculation sur les matières premières agricoles, abandon des stocks de sécurité alimentaire, gestion spéculative des matières premières agricoles, utilisation du foncier au profit des agrocarburants ou de la production de viande, donc moins accessible aux plus pauvres, accaparement des terres et déforestation, chômage massif dans des bidonvilles en pleine extension, etc. ont pour conséquence, à la moindre irrégularité climatique, une crise des prix et une crise alimentaire. L’agriculture industrielle, mécanisée et chimique – et souvent très subventionnée –, détériore par ailleurs la fertilité des sols, la biodiversité, la reproduction des écosystèmes, ainsi que la santé des cultivateur.trice.s et des consommateur.trice.s.

Côté pêche, la situation n’est guère plus reluisante : si le rythme actuel de la pêche internationale se poursuit, les océans seront essentiellement peuplés de méduses à l’horizon 2050, époque à laquelle nous compterons également plus de déchets plastiques que de poissons.

Pour les écologistes, préserver et développer les agricultures locales du Sud, de l’Est et du Nord, qui emploient encore le plus grand nombre d’actifs et d’actives dans le monde (les femmes y étant majoritaires), c’est lutter contre la pauvreté et la faim, pour l’emploi et la justice climatique et, par-là, contre l’instabilité, le chômage urbain et les migrations non choisies.

Il s’agit :

  • De réguler la pêche au niveau mondial, afin de préserver les stocks et les espèces de poissons : interdiction des pêches sur les littoraux étrangers comme du pillage des ressources halieutiques, défense des pêches artisanales et accord international à ce sujet.
  • De soustraire l’agriculture au libre-échange et de permettre la souveraineté alimentaire, comme l’ont fait de nombreux pays développés et émergents. Mettre en place aux frontières de chaque aire régionale un ensemble de droits de douane variables (en fonction inverse du prix international) sur les importations de denrées alimentaires permettra d’assurer des prix rémunérateurs et stables aux paysanneries locales, qui seront ainsi en capacité de se nourrir et de nourrir les villes en vivant dignement. Ce doit être accompagné de la création de stocks agricoles locaux, nationaux et régionaux.
  • De lutter contre la faim des plus pauvres et vulnérables des villes ou des sans-terre en leur apportant des aides à la consommation de produits locaux.
  • De renoncer aux exportations, à des prix de fait bradés, des surplus européens et mondiaux de denrées agricoles et alimentaires largement subventionnées, directement ou indirectement.
  • De mettre fin à l’accaparement des terres.
  • D’appuyer résolument les paysanneries (service technique, crédit agricole, coopération) et de les aider à réinvestir leurs savoir-faire locaux et à adopter des pratiques d’agro-foresto-écologie aptes à doubler, au moins, les rendements les plus bas, à préserver les ressources naturelles et à massivement stocker le CO2.