3. Contre le pouvoir prédateur des multinationales

La mondialisation a multiplié les relations commerciales en leur donnant la primeur sur toute autre considération. D’où un dysfonctionnement à grande échelle du droit international comme national, qui échoue à protéger et à faire prévaloir les droits humains et la préservation des ressources. Le libre-échange mondial est un outil extrêmement efficace pour les multinationales dans la défense de leurs profits et de leurs intérêts. En effet, même si, en principe, la hiérarchie des normes de droit international donne la primauté à la Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies, en réalité, seul le droit commercial international (issu de l’OMC et des traités commerciaux ou d’investissement) est contraignant dans les faits.

De plus en plus concentrées, avec des ramifications et des propriétés croisées, les multinationales ont acquis un pouvoir inégalé, parfois plus important économiquement que celui de nombre d’États. Elles échappent ainsi à tout contrôle, d’autant plus que les puissances publiques sont soumises à un intense lobbying.

De fait, nous assistons depuis plusieurs décennies au développement d’un « droit global mou », c’est-à-dire un droit émanant d’indicateurs, de standards, de codes de conduites, et bien sûr des usages, pratiques et coutumes du commerce transnational, et non plus de processus législatifs démocratiques. Mais cette primauté n’est pas neutre : elle consacre le laisser-faire et le consentement généralisé des États à des types de régulation, prétendument par le biais du marché, qui favorisent les acteurs économiques transnationaux. Ce qui rend plus difficiles les revendications des mouvements sociaux et citoyens et des associations, de même que la préservation de la nature.

Les écologistes proposent :

  • De soumettre le commerce mondial au respect des droits humains, en soutenant, dès 2017, la proposition de Traité international des peuples pour le contrôle des sociétés transnationales. Ce traité a été élaboré par des mouvements citoyens, des populations affectées par les activités des multinationales et des associations membres de la Campagne globale pour démanteler le pouvoir des multinationales.
  • De reconnaître la responsabilité des multinationales. Dès 2017, la France soutiendra activement la proposition d’élaboration d’un traité international visant à « créer un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme », dont la rédaction a été lancée par l’adoption en 2014 de la résolution 29/6 au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
  • De renforcer la responsabilité sociale et sociétale des multinationales françaises. Suite à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui a fait plus de mille victimes, une loi est en cours d’adoption au moment de la rédaction de ce programme, reconnaissant le devoir de vigilance des multinationales, soit la responsabilité des firmes françaises pour les agissements de leurs filiales étrangères quant au respect des droits humains et du droit environnemental. Cette responsabilité doit être élargie à l’ensemble des entreprises, y compris celles comptant moins de 5 000 salariés. Comme doit être inversé le « renversement de la charge de la preuve » : ce sont les firmes qui doivent prouver qu’elles ont tout fait pour éviter toute atteinte aux droits humains ou de l’environnement, et non les victimes qui doivent prouver les dommages subis.

 

Areva, entreprise d’État

L’uranium indispensable à l’industrie nucléaire provient en grande part du Niger où il est payé un prix dérisoire, alors que ce pays est parmi les derniers selon le classement de l’indice de développement humain ( IDH). L’extraction de l’uranium implique l’exploitation humaine, la destruction de l’environnement  (nappes phréatiques fossiles, pollutions chimiques, etc), avec des conséquences sanitaires non prises en compte par l’exploitant, Areva et son actionnaire principal, l’État. Outre la gestion des déchets et le coût de démantèlement des centrales, cela relativise la soi-disant rentabilité du nucléaire et l’affirmation de notre indépendance énergétique.

En attendant la sortie progressive du nucléaire que les écologistes programmeront sur une vingtaine d’années, l’État doit pleinement jouer son rôle d’actionnaire très majoritaire (86 %) d’Areva en prévenant l’opacité, le népotisme, la corruption et la délinquance financière qui ont généré ces dernières années des pertes de plusieurs milliards d’euros à la charge du contribuable.

La France et Areva doivent reconnaître les dommages structurellement causés à l’environnement et aux habitants par l’exploitation de l’uranium, ce qui suppose de :

  • payer l’uranium un juste prix au pays producteur et s’assurer qu’une partie substantielle en revient aux communautés locales impactées par l’exploitation uranifère ;
  • assurer le suivi et les soins des mineurs, imposer des salaires minimum et des droits sociaux (retraites, etc.) ;
  • sortir enfin du déni et dédommager décemment les anciens travailleurs français et étrangers de l’uranium qui exigent réparation pour troubles graves de leur santé ;
  • dépolluer les sites pour, quand cela est possible, permettre la reprise d’une agriculture paysanne ou d’autres activités ;

A moyen terme, Areva devra être réorientée vers une activité mondiale de démantèlement des installations nucléaires, activité pour laquelle il existe un marché international pour au moins les cinquante prochaines années.