2. L’Europe que nous voulons

L’Europe que nous désirons est démocratique, écologique, solidaire, innovante. Un plan de sortie de crise est aujourd’hui indispensable afin d’éviter la dislocation de l’Union européenne.

 

I. Une Europe inclusive

Notre Europe est profondément inclusive. Elle refuse le nivellement des conditions de vie par le bas. Face à la crise du chômage dans plusieurs États membres, notamment dans les pays du Sud, face à l’aggravation de la pauvreté, y compris dans les pays les plus riches, face au délitement des libertés dans certains États, les écologistes promeuvent :

  • Un socle de protection sociale européen. Pour répondre à la promesse de prospérité partagée, l’UE doit se doter de mécanismes efficaces pour combattre les inégalités socio-économiques. Pour ce faire, les écologistes soutiennent la mise en place d’une assurance chômage européenne en plusieurs phases. Tout d’abord, l’établissement d’un socle de protection visant à garantir un niveau minimal de protection dans tous les États, puis, à terme, au travers de la création d’un véritable instrument budgétaire de la zone euro, une assurance chômage organisée à l’échelle de la zone euro. Seront également réalisés : la convergence des salaires, avec mise en place d’un revenu minimum européen et d’un revenu maximum ; la convergence des protections sociales, avec notamment la mise en place d’un accompagnement à l’emploi pour chaque citoyen européen ; un socle commun de droits sociaux ; un moratoire sur toute nouvelle libéralisation des services publics ou d’intérêt général ; ainsi qu’une clause de non-régression sociale permettant une harmonisation sociale par le haut. Ces revenus minimums européens seraient fixés en fonction des revenus moyens nationaux, par exemple 60 % du salaire moyen pour le salaire minimum ou pour les retraites, etc.
  • Une politique commune de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le renforcement par la loi de la vérification du respect des engagements pris par les entreprises européennes. La consolidation progressive par la loi des avancées en matière sociale et environnementale de ces entreprises sera également un gage d’amélioration des pratiques, d’éthique et de transformation des processus de production au sein et en dehors de l’Union.
  • L’initiative citoyenne européenne, pensée comme un véritable outil de participation. Son introduction dans le traité de Lisbonne était une grande avancée. Malheureusement, aucune initiative citoyenne européenne ayant réuni le nombre de signatures nécessaires n’a abouti à une proposition législative. Dès lors, les citoyen.ne.s se sont détourné.e.s de cet outil. Il faut donc réviser son règlement, notamment en introduisant une obligation pour la Commission européenne d’agir lorsqu’une initiative atteint le nombre requis de signatures.

 

II. Une Europe fédérale

Les écologistes appellent à la transformation de l’Union pour une véritable démocratie parlementaire et fédérale, seule à même de garantir l’intérêt général de tou.te.s les citoyen.ne.s européen.ne.s tout en respectant les réalités locales et régionales. Nous prônons une élaboration démocratique de la future Constitution de l’Europe à travers une Constituante élue dès 2019.

Lors de cette Constituante, nous défendrons une Europe fédérale avec les préconisations suivantes :

  • Un régime parlementaire et bicaméral. Le Conseil de l’Union européenne (dit « des ministres ») sera redéfini comme une véritable seconde chambre représentant les États (ou des ensembles infra-nationaux en fonction de l’organisation propre des différentes régions de l’Union), ses membres devant être des personnes identifiables par les citoyen.ne.s, dédiées exclusivement à cette mission et siégeant à temps plein. Chaque État détermine le mode de désignation de ses membres. En outre, la réunion des chefs d’État et de gouvernement, dont les décisions sont bridées par la règle de l’unanimité, doit revenir à son rôle d’instance de débat, d’analyse et de prospective. Le Conseil européen disparaît ainsi pour devenir éventuellement une émanation temporaire du Conseil, une formation spéciale, tout comme l’Eurogroupe disparaît.
  • Le pouvoir exécutif européen devra être confié, sans ambiguïté, à la Commission, rebaptisée Gouvernement européen et élue par le Parlement européen sur une majorité politique claire et respectant le principe de la parité femmes-hommes, les commissaires étant proposés par le président de la Commission dans une démarche de constitution d’un gouvernement, sur la seule base de leurs compétences, sans considération de leur origine nationale. Le nombre de commissaires n’est pas fixe mais dépend des choix politiques effectués. Le président est désigné par le Parlement et le collège est approuvé à la suite d’un processus d’audition. La Commission devra aussi être dotée d’une véritable administration de terrain, agissant dans les régions et pas uniquement au niveau fédéral. Le Parlement peut voter une motion de censure pour dissoudre le gouvernement (majorité similaire à celle de l’approbation), et le Gouvernement peut aussi dissoudre le Parlement (principe d’équilibre caractéristique d’un régime parlementaire).
  • La codécision généralisée : un rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, qui doivent être dotés de forces de décision et d’initiative identiques. La saisine de la Cour sera ouverte à un nombre fixe de parlementaires, tandis qu’un contrôle de constitutionnalité sera créé.
  • Les deux comités consultatifs européens verront leur légitimité renforcée : les membres du Comité des régions (CDR) seront désignés au sein des associations nationales d’élu.e.s régionaux, tandis que les membres du Comité économique et social européen (CESE) seront désignés par les grandes fédérations européennes syndicales, professionnelles et associatives.
  • Le parquet européen devra faire respecter sur l’ensemble du territoire de l’Union la protection de l’environnement et les droits et libertés garantis au niveau européen. Ce pôle de justice sera accompagné d’un contrôle démocratique et citoyen de l’ensemble des organes de coopération de police et de justice, afin de vérifier que ceux-ci respectent bien les libertés publiques et ne contribuent pas à construire une Europe forteresse.
  • Certaines compétences relèveront exclusivement de l’Union, d’autres exclusivement des États, le reste sera partagé. Les formulations ne devront pas être trop rigides, de sorte à permettre une certaine souplesse d’application. Le partage de compétences pourra évoluer.
  • Des coopérations renforcées plutôt qu’une Europe à la carte : nous rejetons l’idée d’une Europe où chacun pourrait venir faire son shopping, sans pour autant rejeter l’idée que des territoires puissent mettre en place des expérimentations, encadrées et organisées constitutionnellement, sur des sujets d’intérêt général qui ne recueillent pas encore la majorité au Conseil. Nous proposons une procédure de type coopération renforcée pour permettre la mise en place de « projets pilotes » ayant vocation par la suite à s’appliquer dans toute l’Union, et l’établissement d’un statut spécial pour les États hors UE souhaitant y être associés.

 

III. Un budget, des ressources propres et une gouvernance financière assainie pour l’Europe

L’Europe que nous voulons est une Europe au service du développement humain et de la protection de l’environnement. C’est une Europe des peuples, dont les citoyen.ne.s sont libres de circuler et d’échanger. La fiscalité que nous voulons ne sert pas seulement à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’UE, elle sert aussi à orienter les choix des acteurs économiques vers le non-gaspillage des ressources, à réduire les inégalités et à limiter la concentration des pouvoirs au profit de quelques entités (groupes bancaires, industriels ou commerciaux) qui sont devenues plus puissantes que les États.

Les écologistes proposent :

  •  Un budget pour de véritables politiques : il faut relever le plafonnement du budget européen de 1,24 % à 5 % du RNB. Par ailleurs, nous appelons à la mise en place d’un système réel de financement du budget par des ressources propres, qui devront remplacer le système actuel, majoritairement fondé sur les contributions nationales, qui ne fait qu’accentuer le caractère intergouvernemental des négociations budgétaires au détriment de l’intérêt général. Parmi les ressources propres que nous appelons de nos vœux, figurent une TVA européenne, une taxe carbone aux frontières et une taxe sur les transactions financières.
  • Un impôt pour financer la solidarité fédérale, accompagné d’une harmonisation fiscale européenne, rendue possible par l’application du mécanisme de codécision, en remplacement de l’unanimité actuellement requise en la matière. Il viendra en substitution de l’essentiel des contributions nationales et aura pour assiette les bénéfices des sociétés multinationales, les revenus financiers, les transactions financières et les activités polluantes (taxe carbone, taxe sur les déchets, y compris nucléaires, etc.). Le processus budgétaire devra être rendu transparent et démocratique, associant pleinement le Parlement, notamment en lui donnant le pouvoir de codécider des recettes. Nous agissons aussi pour l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, afin de réduire la concurrence fiscale entre les États membres. Il s’agit, pour chaque entreprise présente dans plusieurs États membres, de se conformer à un seul régime fiscal au sein de l’UE pour calculer son résultat imposable, plutôt qu’aux différents régimes propres à chacun des États membres dans lesquels l’activité est exercée.
  • Sauf accords particuliers, une préférence sociale et environnementale aux frontières de l’Europe sera instaurée. Les produits entrants seront taxés à hauteur de ce qu’ils auraient coûté s’ils avaient respecté les clauses environnementales des accords multilatéraux sur l’environnement et les accords de l’Organisation internationale du travail. Par ailleurs, une TVA à 0 % sera mise en place sur les produits alimentaires de première nécessité et élaborés dans la proximité.
  • Une union monétaire intégrée, dotée de politiques communes et de mécanismes automatiques de stabilisation au sein de l’Eurozone. Les dettes souveraines seront transmises au niveau communautaire, nécessitant une modification des traités actuels ainsi que de certaines constitutions nationales.
  • Un mécanisme de mutualisation pour faire face aux chocs affectant l’union monétaire (crise financière) ou des chocs asymétriques (catastrophe naturelle, éclatement d’une bulle spécifique, etc.), plutôt qu’un ajustement reposant uniquement sur les taux de dévaluation.

 

IV. Un Green New Deal et la relocalisation européenne : des investissements pour l’innovation, l’écologie et l’emploi

L’Union européenne ne peut vivre sans investissements tournés vers l’avenir : harmonisation des conditions de vie, construction des infrastructures et des emplois de demain, transition énergétique et écologique visant à la protection des ressources et à la solidarité.

Les écologistes ont accueilli avec prudence le plan Juncker d’investissements, qui visait, dans un premier temps, à réunir 315 milliards d’euros au sein du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Face à la crise européenne, Jean-Claude Juncker a annoncé en septembre 2016 qu’il souhaitait doubler le montant et la durée prévus pour ce plan.

Les écologistes proposent :

  • Un Green New Deal de 600 milliards d’euros d’investissements sur deux ans, afin de financer la transition écologique et sociale de l’Union. Cette somme proviendra pour un tiers du secteur public et pour deux tiers du secteur privé, à travers l’activation de crédits d’impôts différés et la mise en place d’un fonds d’épargne énergétique. Elle financera en priorité la mise en place d’une Union énergétique écologiste (efficacité énergétique et renouvelables), la relocalisation de l’économie, l’innovation sociale et écologique. Les investissements mobilisés dans ces domaines permettront aux États membres de s’approcher des objectifs (emploi, inclusion sociale, éducation, R & D, énergie/climat) adoptés dans le cadre de la Stratégie UE 2020. Ils permettront de créer un million d’emplois. Les rendements attendus sont tels qu’à terme le pouvoir d’achat des citoyen.ne.s sera augmenté et l’assainissement des finances publiques accéléré, voire consolidé. Les publics prioritaires ciblés par ce fonds seront : les Européen.ne.s en situation de précarité énergétique (actuellement 10 à 11 %), les PME (la Commission estime que l’Europe peut réduire sa consommation des ressources de 17 %, soit 23 milliards d’euros d’économie par an et la création de 1,4 à 2,8 millions d’emplois) et enfin les services publics. Les priorités d’investissements, notamment géographiques, seront élaborées avec l’ensemble des États membres, la société civile et les Agences européennes des droits fondamentaux et de l’environnement.
  • Un plan d’industrialisation écologique pour l’Europe. Aujourd’hui, l’industrie européenne ne pèse que 12 % du PIB européen. Nous visons l’objectif de la faire passer à 20 %, en nous appuyant sur les industries d’avenir : énergies propres et renouvelables hors nucléaire ; transports propres, notamment ferroviaire, et connexion de l’ensemble des zones européennes ; économie circulaire et préservation des ressources via le réemploi, la réparation et le recyclage ; et enfin industrie du numérique. Nous proposons la création de pôles industriels européens financés par des « project bounds », c’est-à-dire avec un financement européen mutuellement garanti et un pilotage supranational. La réindustrialisation européenne nécessite de sortir du principe, considéré comme absolu, de « concurrence libre et non faussée », afin de permettre la création d’une industrie européenne à même de faire face à ses concurrents mondiaux. Les États doivent être en mesure de coopérer pour faire naître des industries aussi rayonnantes que celle d’Airbus. Afin de créer cette industrie européenne, il est également nécessaire d’encadrer fortement les activités des entreprises industrielles multinationales. Ainsi, l’Union devra mettre en place des règles strictes à leur égard. Notamment : la récupération des aides publiques, y compris européennes, lorsque les entreprises usent de licenciements abusifs ; la suspension des aides publiques, y compris européennes, lorsque les dividendes y sont excessifs ou les écarts de salaires disproportionnés ; la suppression des exonérations fiscales non liées à la création d’emplois ou à la transition écologique. L’Union européenne devra également limiter les montages fiscaux abusifs par une plus grande coopération entre les États membres, instaurer des droits de douane sociaux et environnementaux aux frontières européennes et établir une cellule d’anticipation et de prévention des restructurations d’industries.
  • Pour l’industrie et les entreprises européennes : des règles de responsabilité écologique et sociale. Nous proposons que de 1,5 à 2 % du PIB européen soit investi dans le financement de la transition écologique, avec des ambitions fortes de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2020. L’ensemble des politiques européennes devront être revues à cette aune, et dans le respect du traité environnemental constitutionnel à mettre en place. L’Union énergétique écologiste aura vocation à remplacer le traité Euratom et sera chargée de préparer un futur 100 % sobre, efficace et renouvelable, notamment en améliorant l’organisation institutionnelle et le suivi des politiques énergétiques. Le financement de la recherche sur le nucléaire sera réorienté. L’industrie européenne a besoin d’être protégée. Afin d’assurer sa transition écologique, un prix devra être rapidement donné au carbone, et des taxes douanières devront être instaurées sur l’empreinte écologique des biens importés. Afin d’assurer l’équité sociale au sein de l’Union, un travail d’harmonisation par le haut des salaires et des conditions de travail devra être entamé. Mais, surtout, l’Union européenne devra reconnaître le devoir de vigilance des sociétés-mères ou donneuses d’ordre pour prévenir les violations graves des droits humains ou environnementaux liées à leur activité ; promouvoir un haut standard de RSE comme valeur ajoutée des entreprises françaises et européennes sur les marchés publics internationaux d’infrastructures ou d’exploitation extractives ; et stopper toute subvention à l’exportation de biens ou de services polluants.