L’alarme scientifique sur l’effondrement du vivant n’a jamais été aussi forte. Pendant une semaine l’IPBES, surnommé « GIEC de la biodiversité », a rassemblé plus de 130 pays pour établir, encore une fois, un bilan alarmant : un million d’espèces animales et végétales, soit une sur huit, risquent de disparaître à brève échéance. Pourtant les gouvernants restent sourds à leurs alarmes répétées.

Pire, le gouvernement français choisit ce mois de mai devenu mois d’alarme mondiale pour la biodiversité pour porter un coup de poignard à l’une des rares institutions ayant en France le pouvoir de la préserver. Un projet de décret relatif à la simplification de la procédure d’autorisation environnementale est en consultation publique jusque ce soir. Il vise à affaiblir le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), afin de permettre à l’avenir de fluidifier les travaux d’aménagement. Autrement dit, la France sacrifie la biodiversité pour donner un chèque en blanc aux bétonneurs.

Ce projet de décret prévoit de transférer les compétences du CNPN aux conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), qui, ne sont pas des instances indépendantes. Sous le vernis d’une action relocalisée se cache en fait un tout autre jeu : là où le CNPN garde une indépendance, la nomination et la gestion des instances régionales par la préfecture et les élus locaux porte le risque de voir les intérêts des marchés locaux et des conflits d’intérêts prendre le pas sur celui de la protection de cette biodiversité dont notre vie dépend. Face à cette casse, un tiers des membres du CNPN est monté au créneau dans un texte public, clair et sans détours dénonçant ces dérives et leurs conséquences dramatiques pour la nature et le vivant.

Comment, dans ce contexte, justifier l’amoindrissement des compétences du CNPN ? Il était déjà difficile pour le Conseil d’assumer la charge de travail qui lui incombait. Déléguer cette charge aux conseils régionaux, qui sont eux aussi surchargés, revient en pratique à une absence d’examen de projets destructeurs de l’environnement. Or, la perte d’habitat constitue la première cause de chute de la biodiversité. Les projets d’artificialisation du territoire sont pour nombre d’entre eux soumis à étude d’impact, ce qui permet d’évaluer leur impact sur l’environnement, et notamment, sur les espèces protégées. Du moins était-ce jusqu’à aujourd’hui la seule barrière existante, hors recours juridiques.

Les textes internationaux, européens et nationaux fixent pourtant des objectifs destinés à enrayer la perte de biodiversité. Le législateur français, dans la loi Biodiversité de 2016, a même introduit l’objectif de « zéro perte nette de biodiversité ». Très optimiste, il y a adjoint la formulation « voire même d’un gain de biodiversité ». Le gouvernement fait donc sciemment le choix de se mettre hors la loi.  

La loi ne s’intéresse déjà pas à la « biodiv​​ersité ordinaire ». Si, en plus, les seules espèces qui faisaient l’objet d’une protection plus ou moins sévère ne sont plus prises en compte avant l’élaboration d’un projet, il sera difficile pour la France de respecter l’objectif de « zéro perte nette de biodiversité » qu’elle s’est imposé.

La nature est une nouvelle fois sacrifiée sur l’autel de la croissance aveugle et d’une économie punitive. Stop au double discours en matière d’écologie !

Face à la sixième extinction de masse des espèces, les écologistes appellent à un sursaut.

Europe Écologie – Les Verts a déposé une contribution s’opposant à ce projet de décret et appelle chacune et chacun à faire de même.

Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole nationaux