En six mois qu’est ce qui a changé au Ministère du développement ? Le nom d’abord. Pour la première fois la France a un ministre chargé à temps plein de la politique du développement. Le ministère de la coopération, avec tout ce qu’il pouvait véhiculer, n’existe plus. Avec la disparition de la cellule Afrique autonome, maintenant  intégrée à la cellule diplomatique de l’Elysée, c’est l’ensemble de l’organisation institutionnelle qui a été modifiée. Et ces nouvelles pratiques ont été confirmées à Dakar et à Kinshasa par le président de la République. Bien sûr, l’Afrique est et restera la priorité en matière de politique d’aide au développement tout simplement parce que c’est là que se trouvent les situations de plus grande pauvreté. Mais, avec la mondialisation, la France n’y est plus qu’une actrice parmi d’autres, en coopération… ou en concurrence avec les Chinois, les Turcs, les Indiens, les Brésiliens, les Allemands,… Il n’y a plus de relations obligées et c’est une bonne nouvelle.

 

Les Assises du développement : une concertation sans équivalent depuis 15 ans

Le 5 novembre j’ai lancé, à la demande du Premier ministre, les Assises du développement et de la solidarité internationale qui étaient un engagement du Président de la République. Cela faisait 15 ans que la France n’avait pas mis en débat sa politique de développement. En 15 ans le monde a changé et nous devons renouveler nos analyses et rénover nos politiques. Cinq chantiers seront l’occasion de se pencher notamment sur la cohérence des politiques agricoles ou commerciales avec les enjeux de développement. Mais aussi sur les meilleures façons d’articuler politiques nationales et coopérations décentralisées. Ou encore sur le renforcement de la nécessaire transparence de notre aide ou notre capacité à en évaluer l’impact. Ces Assises réuniront pendant quatre mois l’Etat, les parlementaires, les élus locaux, les ONG, les entreprises, les fondations, les organismes de recherche, les partenaires du sud… avec l’objectif de rénover ensemble notre politique de développement. Elles seront conclues par le président de la République début mars 2013. Pour que la concertation soit la plus large possible, chacun est invité à participer aux Assises sur le site diplomatie.gouv.fr.

 

Un effort de solidarité maintenu malgré la crise

Le projet de budget 2013 préserve l’effort budgétaire consacré à l’aide publique au développement. La mission budgétaire, c’est-à-dire le principal budget dédié au financement de l’aide au développement, est stabilisée sur la période 2013-2015 par rapport à la dépense réalisée en 2012. La baisse faciale du budget tel que défendu devant le Parlement correspond à un moindre besoin de financement du Fonds européen de Développement dont le rythme de mise en œuvre est plus lent que prévu. De plus, et malgré le contexte budgétaire difficile, le gouvernement a décidé d’affecter au développement, de manière extra-budgétaire, 10% du produit de la taxe française sur les transactions financières avec pour priorité la lutte contre le changement climatique et la santé, notamment en Afrique. Ces fonds, qui représentent 480 millions d’euros sur 3 ans, viennent s’ajouter au budget de l’aide publique au développement. C’est un signal très fort du maintien de l’ambition française en matière de solidarité internationale, même si, je le sais bien, les besoins non satisfaits restent immenses.

Nous avons également décidé, conformément à un engagement de François Hollande, de doubler progressivement la part de l’aide qui passe par les ONG, et ce dès le projet de loi de finances 2013.

Quant au fait de consacrer 0,7 % du PIB à l’aide publique au développement, cela reste bien évidemment un objectif structurant. Il s’agit pour nous maintenant de définir une perspective budgétaire crédible pour y parvenir, ce que les précédents gouvernements ne sont pas parvenus à faire.

 

Soutenir la transition écologique au Sud

Nous avons commencé à réorienter le contenu des politiques de développement pour qu’elles soutiennent la transition écologique au Sud. Les 6 milliards d’euros d’investissements que l’Agence française de développement (AFD) consacrera au secteur de l’énergie dans les trois prochaines années auront désormais deux priorités hiérarchisées comme telles : les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Si l’AFD n’était pas inactive en la matière, les priorités sont maintenant clairement définies. La prochaine étape est d’accompagner les Etats du Sud dans le développement des énergies renouvelables. Ils pourront ainsi adopter un chemin leur permettant d’accroître leur accès à l’électricité tout en ne tombant pas dans une dépendance trop grande aux énergies fossiles. A titre d’exemple, ce travail est déjà engagé en Haïti ou encore au Sénégal. Enfin, j’ai réouvert le dossier du financement par la France de l’initiative équatorienne Yasuni. Un dossier est maintenant en cours d’instruction et la réponse sera donnée au premier trimestre 2013.

 

Contre l’accaparement des terres, pour une agriculture durable

Avec Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, j’ai participé au sommet annuel du Conseil de sécurité alimentaire de la FAO à Rome. En mai 2012, les Etats se sont mis d’accord pour définir des « principes volontaires » pour lutter notamment contre l’accaparement des terres. C’est une première étape. Mais comme leur nom l’indique ces principes ne sont que volontaires. Nous allons maintenant accompagner les pays qui le souhaitent pour introduire ces mesures dans leurs législations nationales. Par ailleurs, je veillerai à ce que les opérateurs publics ou sous contrôle public, comme l’AFD ou Proparco, la filiale de l’AFD en charge des financements privés, ne soient en aucun cas utilisé pour financer des investissements agricoles qui ne respecteraient pas ces principes. Enfin, au plus tard début 2013, l’AFD adoptera son nouveau cadre d’intervention en matière agricole pour les trois prochaines années. Mon objectif sera de contribuer à promouvoir les formes d’agricultures durables, familiales…les seules à même, j’en suis convaincu, d’assurer la sécurité alimentaire de ces pays.

 

La transparence des investissements des grandes entreprises européennes : la France prend le leadership

Les flux financiers qui sortent des pays du Sud en passant notamment par les paradis fiscaux, et qui empêchent les Etats de collecter des impôts, représentent des montants 10 fois supérieurs à celui de l’Aide publique au développement. Je suis donc de très près la négociation européenne actuellement en cours pour rendre obligatoire le reporting pays par pays et projet par projet. Les échanges que j’ai eus avec mes homologues européens m’ont permis de constater que la France avait, maintenant, la position la plus ambitieuse des Etats, au côté des Etats scandinaves. Et comme le montrent les négociations en cours la France a réussi à faire bouger les lignes dans des pays plus réticents, en s’appuyant sur les avancées obtenues au Parlement européen.

D’autre part, la France est le premier pays à soutenir officiellement le nouveau fonds de la Banque Mondiale qui va permettre aux Etats africains qui le souhaitent de faire financer des journées d’avocats et de fiscalistes pour mieux négocier les contrats face aux grandes entreprises. Un tiers de ce fonds sera financé par la France avec un effet levier potentiellement très important puisque cette initiative devrait permettre aux Etats de toucher davantage de royalties et de lever davantage d’impôts pour mener à bien leurs propres politiques publiques.

 

Renégocier les Accords de partenariats économiques (APE)

Le président de la République l’a annoncé lors de son déplacement à Dakar : la France est maintenant favorable à une renégociation du contenu des APE, ces accords commerciaux qui incitent les Etats africains à ouvrir leurs marchés. C’est pourquoi, contrairement au précédent gouvernement, nous soutenons le report à 2015, voire 2016, de la date à laquelle les Etats africains doivent conclure ces accords avec l’Union européenne. Reste maintenant à faire évoluer la position des autres Etats membres. La négociation avec le Parlement européen est en cours et aboutira dans les prochains mois.

 

Des règles plus strictes contre la corruption et les paradis fiscaux.

Pour la première fois l’AFD vient de formaliser dans un document unique l’ensemble de ses procédures relatives à la lutte contre la corruption et le traitement des paradis fiscaux. En matière de lutte contre la corruption, l’AFD utilisera dorénavant les listes dressées par la Banque mondiale pour exclure de ses marchés les entreprises impliquées dans des cas de corruption. L’Agence renforcera également ses processus de contrôle en liaison avec la société civile. Enfin concernant les paradis fiscaux, l’agence s’interdit de travailler avec des entités localisées dans des juridictions non coopératives.

 

Vers de nouvelles clauses sociales et environnementales dans les appels d’offres de l’AFD

L’AFD finance chaque année 5 milliards d’euros dans des projets de développement dont la majeure partie sous la forme d’appels d’offres. Nous avons fait insérer dans le plan d’orientation stratégique, adopté en octobre dernier, le principe selon lequel l’Agence devra intégrer des clauses de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans la passation de ses marchés. Elle accompagnera également les entreprises locales dans leurs propres efforts de RSE afin que cette exigence accrue ne se fasse pas au détriment du tissu économique local.

Enfin, nous avons adopté le principe selon lequel chaque projet soumis au financement de l’AFD fera dorénavant l’objet d’une analyse « extra-financière ». Dans quelques mois, un « second avis développement durable » viendra donc compléter l’avis financier.

 

La fin des mélanges entre gestion des flux migratoires et développement

Nous avons mis fin à la liaison entre la politique de développement et la politique migratoire. Le précédent gouvernement avait déplacé une partie du budget alloué au développement du Quai d’Orsay vers le ministère de l’Intérieur pour pouvoir négocier le financement de projets comme contrepartie à une politique de contrôle des flux migratoires « à la source ». Ce lien a été supprimé puisque la totalité du budget concerné revient sous ma responsabilité dès 2013.

 

Pascal Canfin, Ministre délégué chargé du Développement